Pierre Martin, L’assurance face au risque d’inflation
« Tant que la monnaie française vagabondera, on ne peut espérer pour l’assurance qu’une vie végétative. » En cette année 1948 de « grande inflation » qui atteint près de 60 % par an, record du siècle, l’économiste Jean Fourastié était pessimiste quant à l’avenir de la branche. Alors que beaucoup (trop) de nos contemporains avaient hâtivement prédit la fin de l’inflation, 2022 correspond pourtant à son grand retour dans les pays développés : plus de 5 % en France, davantage encore en Allemagne, près du double aux Etats-Unis. Nous nous proposons de trouver des éléments de réponse aux questions des assureurs du temps présent à partir d’un détour par le passé, fondé sur des travaux portant sur plusieurs sociétés françaises d’assurance IARD, tant il est vrai que « l’historien pose au passé les questions du présent » (Marc Bloch).
Jean-François Boulier, Quel risque l’inflation fait-elle peser sur un portefeuille ?
L’ambition de cet article est modeste : exprimer les quelques convictions d’un investisseur, notamment de portefeuilles de sociétés d’assurance, convictions qui ont été forgées au cours de son activité, de 1987 à 2020. Sur cette période, l’inflation n’a fait que décroître, alors qu’elle était le problème majeur à la fin des années 1970, marquées par les deux chocs pétroliers et leurs impacts économiques. Mes convictions sont de trois ordres. D’abord je pense que l’inflation est aussi difficile à prévoir dans le long terme, voire plus difficile, que ne le sont les marchés financiers dans le court terme. Ensuite que rares sont les actifs financiers dont les valorisations ne sont pas détériorées par l’inflation. Enfin, que la gestion d’un patrimoine, notamment à l’actif d’une société d’assurance, peut néanmoins s’attacher à prévenir et à gérer le risque d’inflation.
Gilles Moëc, Choc d’inflation et régime monétaire, l’angle de l’assurance
Mesurer l’impact d’un retour de l’inflation sur le secteur de l’assurance, compte tenu de sa sensibilité spécifique aux taux d’intérêt, ne peut se faire sans prendre en compte le régime macroéconomique d’ensemble dans lequel il intervient. La réaction des grandes banques centrales depuis le début de cette année est rassurante de ce point de vue. Au-delà du choc actuel, l’émergence de causes structurelles de hausse des prix, comme la transition écologique, suggère toutefois que l’ère de « l’inflation zéro » est derrière nous.
Paul Esmein, L’impact de l’inflation sur l’assurance IARD
La poussée inflationniste actuellement à l’œuvre a un impact significatif sur l’assurance IARD, d’autant que cet impact se cumule avec la multiplication des sinistres climatiques. Dans un scénario d’inflation prolongée, l’effet sera particulièrement marqué sur les risques longs (responsabilité civile, construction, sécheresse…). Cela entraînera nécessairement des conséquences tarifaires, mais les assureurs disposent de leviers pour les atténuer. Plus généralement, cette situation rappelle l’importance de la mutualisation, et le poids de certains postes dans le coût de l’assurance.
Marie Brière, Comment couvrir le risque d’inflation ? Tout dépend du régime macroéconomique
Quelle devrait être l’allocation d’actifs stratégique optimale pour les investisseurs qui cherchent à couvrir le risque d’inflation ? La réponse à cette question simple dépend crucialement du régime macroéconomique. La diversification est également essentielle.
Jean-Paul Faugère, Assurance et inflation
La résurgence de l’inflation, qu’elle soit temporaire ou plus durable, induit une réflexion nouvelle des assureurs sur leur gestion, voire sur leur stratégie. Le coût des sinistres, la maîtrise des frais, l’évolution de l’offre produits et celle des actifs seront des déterminants forts de la rentabilité et de la solvabilité. Les défis renouvelés de l’assurance en France doivent être relevés avec une anticipation suffisante, y compris en modélisant les scénarios défavorables en toute transparence. Cette transparence témoignera de la solidité des acteurs et confortera la confiance.