Patrick Artus, Les taux d’intérêt zéro sont-ils utiles ou dangereux ?
Le Japon depuis longtemps, la zone euro depuis quelques années, peut-être dans le futur les États-Unis, ont des taux d’intérêt à court terme et à long terme nuls ou négatifs. Il faut d’abord se demander d’où viennent les taux d’intérêt à long terme très faibles : de l’équilibre entre l’offre et la demande de biens et services ou de dettes sans risque, ou simplement des politiques monétaires expansionnistes ? Il faut ensuite se demander si les taux d’intérêt nuls vont durablement se poursuivre ; il faut enfin évaluer les avantages et les inconvénients, les risques multiples de cette situation de taux d’intérêt nuls, avec une attention particulière à la relation entre politique monétaire et politique budgétaire. Nous conclurons que la politique monétaire est déterminante, que cette situation est durable, et que de plus en plus les risques l’emportent.
Olivier Garnier, Stéphane Lhuissier et Adrian Penalver, Taux d’intérêt bas, quelle responsabilité de la politique monétaire ?
Dans la plupart des pays avancés, les taux d’intérêt réels ont fortement chuté depuis leur pic des années 1980, pour tomber aujourd’hui à des niveaux proches de zéro ou négatifs. Cette baisse résulte non pas tant des politiques monétaires en elles-mêmes mais d’abord et surtout de changements structurels affectant la croissance économique tendancielle et l’équilibre épargne/investissement. La politique monétaire ne fait qu’accommoder les conséquences de ces changements structurels. Une meilleure utilisation des politiques structurelle et budgétaire pourrait en revanche contribuer à enrayer ce mouvement baissier des taux réels.
Jean-Marc Daniel, Géopolitique des taux négatifs
L’évolution récente des taux d’intérêt, marquée par une véritable chute des rendements et l’apparition de taux négatifs, provoque interrogation et multitude d’interprétations ; et ce d’autant plus que la rapidité du phénomène est tout aussi intrigante que le phénomène en lui-même. Quelle interprétation géopolitique peut-on en donner ?
Jean-Pierre Grimaud, Les taux bas vont-ils durer ?
À la suite de la crise financière de 2007-2008 et de celle de la zone euro de 2011, la plupart des économies développées ont vu leur taux d’emprunt baisser fortement, sous l’impulsion d’interventions massives et inédites des banques centrales. Ces interventions nommées « assouplissement quantitatif » (quantitative easing, QE) ont dans certains cas été si fortes que pour certains pays, les taux d’emprunt ont été propulsés en territoire négatif, du jamais vu dans l’histoire économique et financière récente. Comment est-on arrivé à une telle situation qui bouleverse la théorie financière et pose un problème majeur de modèle aux institutions financières et de rémunération de l’épargne ?
Sylvie de Laguiche, Taux négatifs, vers un réveil douloureux
Les taux courts sont aujourd’hui durablement en territoire négatif en zone euro, au Japon et surtout en Suisse. C’est aussi le cas depuis ces derniers mois des obligations d’État à dix ans dans plusieurs pays de la zone euro, au Japon et en Suisse. Pour l’homme de la rue ceci peut sembler bien abstrait, mais la persistance d’une telle situation a déjà des conséquences très contre-intuitives pour l’homo economicus. Des émetteurs (États), même déjà lourdement endettés, sont payés pour emprunter y compris à long terme. Des épargnants ou institutions financières sont prêts à payer pour assurer des revenus dans le futur. Les particuliers peuvent finir par supporter les conséquences de ces curieux phénomènes au travers des bouleversements induits dans le système économique et financier.
Thomas Béhar et Jean-Baptiste Nessi, L’assurance vie à l’épreuve du changement
L’environnement financier, en ce début d’automne 2019, est désormais ancré en territoire de taux d’intérêt négatifs. En même temps, le besoin des ménages en termes d’épargne n’a jamais été aussi élevé, que ce soit en matière d’épargne de précaution, d’épargne retraite ou pour la transmission. Jusqu’à présent le fonds euros était l’outil privilégié, alliant sécurité, liquidité et rendement, les fonds en unités de compte s’étant développés au rythme des évolutions des marchés actions. La situation financière actuelle accentue le travail déjà entamé par les assureurs pour identifier et vendre des garanties moins coûteuses en capital. Les exemples identifiés, hors de France, montrent que la disruption apportée par les nouvelles garanties peut avoir des effets négatifs pour l’assurance vie – si le caractère assurantiel des garanties n’est pas préservé – ou neutres à positifs – si les besoins et appréhensions des consommateurs sont respectés.
Marie-Pierre Peillon et Alexandre Piazza, Environnement européen et investissement en taux bas, une adaptation nécessaire
L’évolution des taux d’intérêt européens depuis la crise financière de 2007 s’inscrit dans un mouvement de baisse continue. L’environnement actuel souffre toujours de faiblesses structurelles, loin d’être résorbées. Ainsi, compte tenu des niveaux de croissance et d’inflation anticipés, les taux resteront durablement bas au cours des prochaines années. Face à ces risques pour les métiers de la finance, la gestion d’actifs s’adapte et propose des solutions d’investissement.
Philippe Lemoine, Usure base zéro
Un taux de l’usure ramené à zéro ne serait-il pas l’idéal ? Dans un environnement de taux négatifs, la question peut se poser et plusieurs religions ou idéologies y trouveraient sans doute leur compte ; mais les conséquences en seraient dramatiques. Jouer sur le taux de l’usure ne suffit désormais plus à piloter le crédit.
Pierre-Charles Pradier, La condamnation de l’usure : le discours et les faits
L’usure est réglementée depuis la nuit des temps, apparemment sans grand succès. Les religions abrahamiques ont toutefois adopté une position radicale en prohibant tout intérêt dans les prêts, entre croyants chez les juifs, ou de manière universelle chez les chrétiens et chez les musulmans. Ces interdictions strictes constituent toutefois des positions théoriques, dans la mesure où le christianisme a admis des exceptions avant de considérer récemment le crédit comme une arme de lutte contre la pauvreté et un intérêt modéré comme un moindre mal. Dans l’islam, l’engouement pour la finance islamique s’est accompagné d’un durcissement doctrinal qui dissimule la rémunération des intermédiaires financiers plus qu’elle ne l’interdit.