Gilles Bénéplanc, Introduction au dossier
Marc-Philippe Juilliard, Grands réassureurs : une solvabilité élevée mais un environnement difficile
Les conditions adverses auxquelles fait face le secteur de la réassurance depuis plusieurs années ont amené l’ensemble des acteurs à reconsidérer leurs orientations stratégiques et à effectuer des choix conséquents : fusions, acquisitions, cessions d’activités peu performantes, investissements destinés à se différencier de la concurrence, développement d’expertises visant à tirer parti des capitaux disponibles sur les marchés financiers. Ils peuvent aussi s’appuyer sur une solvabilité élevée malgré l’environnement difficile.
Philippe Trainar, Le cycle de réassurance, disparition ou mutation ?
Théoriciens et praticiens ont coutume de s’opposer sur la question des cycles : les premiers estiment que la cyclicité ne repose sur aucun fondement théorique solide, tandis que les seconds leur opposent les données de l’observation empirique. Ceci est particulièrement vrai en économie, où les plus grands chercheurs, de Marx à Lucas en passant par Keynes et Hicks, ont accordé une grande attention aux cycles. Les économistes distinguent quatre sortes de cycles différenciés par leur récurrence : le cycle Kitchin (3 à 4 ans), le cycle Juglar (8 à 10 ans), le cycle Kuznets (15 à 25 ans) et le cycle Kondratiev (40 à 60 ans). En même temps, de nombreux économistes, notamment l’école des « cycles reels » (les « real business cycles », opposés au « trade business cycles »), ont souligné que les tentatives de « rationalisation » du cycle économique reposent sur une hypothèse d’irrationalité des agents, en contradiction avec les fondements théoriques de l’économie, et que la seule explication cohérente réside dans le caractère stochastique des cycles, lié notamment aux chocs et innovations technologiques, par nature imprévisibles.
Thierry Myara, Marché de la réassurance : où en est-on dans le cycle ?
La réassurance est traditionnellement soumise à des cycles. Les catastrophes naturelles, qui sont en général le principal contributeur aux activités de la réassurance, imposent la dynamique haussière ou baissière du secteur. Malgré des tensions géopolitiques, une économie mondiale en berne et une réglementation de plus en plus contraignante, le marché de la réassurance enregistre à nouveau une baisse des prix au 1er janvier 2019 en Europe. Les acteurs de la réassurance s’interrogent sur la pérennité de ces taux bas : peut-on toujours parler de cycle, ou une nouvelle norme s’installe-t-elle ? Enfin, quelles perspectives pour la réassurance de demain : de nouveaux chocs ou menaces pourraient-ils remettre en question le cycle ?
Bertrand Labilloy, Quel rôle pour les acteurs de place au sein du marché mondial de la réassurance ?
La réassurance est une activité internationale par essence. Elle a toujours été aux avant-postes de la mondialisation des échanges commerciaux, et la diversification géographique des risques est l’un des piliers de son modèle économique. Rien d’étonnant donc à ce que cette industrie ait suivi le mouvement de globalisation financière et soit aujourd’hui dominée par une poignée de grands acteurs internationaux qui détiennent plus de 50 % de parts du marché mondial contre moins du quart il y a trente ans. Ce mouvement de concentration est-il irrepressible ? Doit-on se préparer à voir l’oligopole ainsi constitué croître toujours davantage avec une approche et une offre de réassurance qui s’uniformisent ? Ou y a-t-il encore de la place pour des challengers de taille intermédiaire qui s’en différencient ? La réponse à cette dernière question est ouverte : si la concentration de l’industrie de la réassurance obéit à une logique implacable, elle n’en est pas pour autant une fatalité ; surtout, il existe de par le monde de nombreux réassureurs de place, privés ou publics, qui offrent un service pertinent aux assureurs et aux populations.
Benoît des Cressonnières, De la spécificité de la réassurance dans le domaine de l’assurance crédit et de la caution
Depuis des décennies, les assureurs « crédit et caution » et leurs réassureurs nouent des partenariats permettant le développement durable et rentable de métiers garants de la bonne santé financière des entreprises assurées, par la gestion dynamique de l’actif stratégique que représente le compte « clients ». Nous étudierons dans cet article les différentes stratégies de réassurance qui peuvent être mises en place par un assureur crédit.
Patrick Thourot, La réassurance de demain, défis juridiques et techniques
La réassurance est confrontée, comme l’assurance, à l’expansion de l’univers des risques, donc à l’apparition de risques nouveaux, ainsi qu’à la volatilité de l’environnement juridique, à l’évolution erratique des marchés financiers en sortie de la crise financière et à la pression croissante de la réglementation prudentielle. Elle montre qu’elle sait faire face à ces nouveaux défis techniques. Mais elle est aujourd’hui moins inquiète de l’assurabilité des risques que des perspectives de fréquence et de gravité des sinistres et de leur caractère systémique. Le défi est celui de la capacité à couvrir la « tempête parfaite », sans bénéficier aujourd’hui d’une solide cartographie des risques et d’une garantie d’un « prêteur en dernier ressort ».
Laurent Montador, Réassurance et big data
La réassurance fait partie des activités commerciales nouées entre entreprises (B2B) et se distingue de l’assurance, qui a un lien direct et privilégié avec le consommateur final (B2C), lequel peut aussi être une entreprise (B2B), en passant parfois par des intermédiaires. La masse de données gérée par les assureurs pour atteindre leurs prospects, réaliser des produits correspondant à leurs besoins, établir des tarifs, distribuer les contrats d’assurance par différents canaux ou indemniser les sinistrés est très grande. Par contraste, la masse de données que doivent gérer les réassureurs est beaucoup plus réduite. Les couvertures de réassurance servent en effet une quantité moindre d’acteurs, avec des flux de gestion en nombre limité dans l’année, ne traitant généralement pas un détail « contrat par contrat », mais plutôt de grands agrégats. Le big data et la régulation ont-ils modifié la donne ? et si oui, comment ?