Risques n° 118
Juin 2019
N° ISBN : 978-2-35588-087-2
Editorial
Société – Protéger le consommateur d’assurance
Risques et solutions – L’assurance des biens immobiliers
Valérie Cohen, L’assurance habitation à l’horizon 2040
Londres, le 2 septembre 1666. Une forte conflagration frappe le centre historique, et le feu ravage la Cité à l’intérieur du vieux mur romain pendant plusieurs jours. Cet incendie dit « de Londres » consuma 13 200 maisons, 87 églises paroissiales, la cathédrale Saint-Paul et la majorité des bâtiments officiels. On estime qu’il détruisit les maisons d’environ 70 000 des 80 000 habitants qu’abritait la Cité. L’incendie eut des conséquences économiques et sociales désastreuses, et l’année suivante naquit la première compagnie d’assurance sur l’incendie. Voilà le début de l’histoire de l’assurance habitation, qui ne cesse depuis de jouer un rôle économique et social majeur dans de nombreux pays.
Souaade Louafi Chentr et Julien Carmona, L’avenir de l’assurance multirisque habitation
Pour contribuer au débat sur l’avenir de l’assurance multirisque habitation (MRH) en France et y apporter le point de vue d’un opérateur immobilier, nous présenterons d’abord les grandes tendances du secteur du logement, puis nous évoquerons les progrès technologiques en cours et l’impact qu’ils peuvent avoir sur l’assurance MRH, avant de réfléchir à de possibles évolutions des modèles économiques de cette branche d’assurance.
Claude Sarcia, Les assisteurs au cœur du défi du « bien-vieillir chez soi »
Avec la parution du rapport Libault en mars dernier, la prise en charge de la dépendance se retrouve au cœur de l’actualité. Par leur capacité à assembler des compétences multiples et à piloter des réseaux de professionnels, les sociétés d’assistance sont légitimes pour mettre en œuvre des solutions, souscrites notamment via des contrats multirisques habitation, qui favorisent le maintien à domicile plébiscité par les Français. En passant de la gestion de l’urgence à l’accompagnement des parcours de vie, elles apportent des réponses concrètes aux aidés comme aux aidants.
Arnaud Chneiweiss et José Bardaji, La MRH face au défi climatique
Près d’un demi-siècle de données assurancielles témoignent de l’inflation des événements climatiques (tempêtes, inondations, sécheresse…) qui frappent les habitations, dans le monde comme en France. Face à ce coût croissant, comment les assureurs peuvent-ils réagir ? Une première réaction peut être de se désengager, en refusant de couvrir les habitations trop exposées, ou au moins en envoyant un signal prix fort. Si cette piste ne doit pas être exclue dans certaines situations extrêmes, les auteurs privilégient une autre approche pour la grande masse des risques : renforcer la prévention et l’éducation aux risques naturels, mieux adapter les normes de construction aux aléas climatiques locaux, progresser sur certains aspects dans l’indemnisation (frais de relogement) et mieux gouverner les enceintes qui suivent les risques naturels par un meilleur partage de l’information entre acteurs publics et privés.
Eric Petitpas, Construire pour durer
Si l’on souhaite encourager la responsabilisation de l’assuré dans la protection de son habitation contre les aléas et lui proposer une assurance à un coût raisonnable, il est essentiel que soient mis à sa disposition des diagnostics et des référentiels qui l’aident à se prémunir du mieux possible contre les risques auxquels est exposé son bien et à entretenir ce dernier de manière à réduire au minimum les effets de potentiels dommages. Or on constate aujourd’hui que les outils d’évaluation de la vulnérabilité aux aléas des biens construits font défaut, de même que les règles de construction, d’entretien ou de rénovation incluant la performance des ouvrages et son amélioration ne sont pas toujours harmonisées, quand elles ne sont pas inexistantes concernant certains risques spécifiques. Pour qu’une culture des risques puisse se diffuser efficacement et que le coût de l’assurance habitation reste supportable par l’assuré, le défi du « construire résilient » reste à relever. Il est temps d’en prendre conscience, de partager les objectifs à atteindre et d’examiner les voies pour y parvenir.
Patrick Degiovanni, L’assurance habitation, un contrat qui évolue ?
Dans le monde de l’assurance habitation, l’indemnisation d’un événement s’est longtemps limitée au « règlement » financier des dommages qui en découlaient directement. Depuis quelques années, on assiste à la mise en place d’un « accompagnement » du client visant non seulement à la compensation intégrale de tous les frais consécutifs à l’événement, y compris indirects, mais aussi à une reprise de vie « à l’identique » par rapport à la situation antérieure. Ainsi, une notion fondamentale en assurance, à savoir l’exclusion de tout « enrichissement sans cause », est mise à mal par l’indemnisation en « rééquipement à neuf », et non en « vétusté déduite ». De plus, les frais de relogement, en attendant de réintégrer son domicile, sont couverts plus longtemps. Enfin, la réparation « en nature », qui dispense l’assuré d’avoir à rechercher lui-même des artisans, s’est développée. Pour analyser les évolutions du contrat MRH, nous aborderons dans un premier temps les composantes de l’offre d’assurance (tarification, garanties, services, gestion des sinistres) puis nous réécouterons le client et regarderons rapidement l’évolution de la concurrence.
Guillaume Gorge, La MRH, entre marché de commodité et marché de conseil
AXA France a lancé sa nouvelle offre multirisque habitation MaMaison en 2016. Face à un marché où les bancassureurs sont de plus en plus présents, les assureurs traditionnels doivent renforcer leur approche client. MaMaison se structure donc pour satisfaire au mieux les besoins des clients d’aujourd’hui – simplicité de l’offre d’assurance, transparence sur le prix… – mais essaie aussi de répondre aux ambiguïtés actuelles : d’une part une tendance vers un produit de commodité, où le prix est le facteur essentiel, et d’autre part une tendance vers un produit de conseil, avec de nombreuses options à la carte et la possibilité pour le client de coconstruire son produit.
Analyses et défis – La difficile révision de Solvabilité II
Sylvestre Frezal, Solvabilité II, une bonne réforme qui a mal tourné ?
Solvabilité II est une bonne réforme qui a mal tourné, en raison d’une double erreur qui a pesé sur son élaboration et qui va continuer à peser sur la révision de 2020. Tout d’abord de ne pas positionner les arbitrages politiques en amont, de croire qu’on pouvait oublier leur caractère nécessaire et se contenter de demander aux techniciens de faire leur travail, sans avoir à assumer de décision de cadrage politique. Ensuite, après avoir constaté que le résultat n’était globalement pas acceptable, de ne pas reprendre formellement la main en assumant la dimension politique. Les conséquences de cette double erreur seront difficiles à corriger et elles vont peser sur la révision comme elles ont pesé sur la conception de la réforme.
Romain Durand, Pourquoi n’arrive-t-on pas à infléchir le cours de Solvabilité II ?
Solvabilité II semble aujourd’hui peiner à trouver un second souffle ou à réformer certains de ses aspects. Cette difficulté à changer tient sans doute à la méthode choisie, celle d’une régulation de risques découpés en de multiples composantes élémentaires. Mais peut-être tient-elle aussi à deux phénomènes contradictoires : l’abandon de l’idée d’une approche “principles based” tout en adhérant strictement à une métrique de calculs contraignante et peu compatible avec la réalité économique.
Patrick Thourot, La difficile révision de Solvabilité II et la transformation des entreprises d’assurance
La directive Solvabilité II établit la mesure de la performance des entités et des groupes d’assurance, non plus sur les résultats techniques mais sur le niveau de solvabilité au regard des risques souscrits ou encourus. Dans ce cadre, la révolution tient moins dans l’établissement du nouveau bilan prudentiel que dans le changement des fondements du contrôle des assurances, dans la réorganisation des structures des entités autour de la notion de risques, et dans la publicité des performances (la « transparence »), qu’impose la nouvelle directive. Et Solvabilité II est désormais suivie et prolongée, dans ces domaines de réorganisation, par la directive sur la distribution d’assurance (DDA) et par le règlement général sur la protection des données (RGPD).
Sandrine Lemery, Quelle évolution pour Solvabilité II ?
La directive Solvabilité II est entrée en vigueur en 2016. Elle a révolutionné l’évaluation prudentielle des entreprises européennes d’assurance. La première revue générale démarre à échéance de 2020. C’est l’occasion de faire le bilan de cette norme et d’apprécier la priorité donnée à l’évaluation des risques, à la gouvernance des entreprises et à la transparence pour le marché. C’est aussi le moment de se demander comment transformer le premier pilier quantitatif en un outil de pilotage prudent, simple et transparent, et en une norme moins procyclique et qui permette aux assureurs de porter véritablement des risques à long terme.
Vincent Damas et Jean-Baptiste Nessi, Solvabilité II, une réforme dans la réforme
Si l’objectif d’une approche économique fondée sur le risque incitant les assureurs à mesurer et à gérer convenablement leurs risques a été atteint avec l’entrée en vigueur de Solvabilité II, il nous semble primordial sur certains aspects de revenir aux principes initiaux ayant conduit les autorités européennes à la mise en place du nouveau régime. En effet, cette norme complexe génère une illusion de comparabilité entre les acteurs et a considérablement transformé le lien avec les autorités de supervision. Cet article en explique les principales raisons et tâche d’esquisser des propositions d’amélioration du cadre prudentiel. La révision à horizon 2020 de la directive Solvabilité II pourrait constituer une opportunité d’intégrer ces propositions.
Olivier Héreil, Adapter le traitement des actions dans Solvabilité II
Les actions jouent un rôle majeur dans la création de richesse à long terme et offrent une réponse attractive en environnement de taux très bas. Pour autant, leur place dans les allocations des fonds généraux des assureurs vie reste faible. Il est certain que Solvabilité II n’encourage pas à la détention d’actions. La Commission européenne projette d’introduire une catégorie nouvelle d’actions détenues à long terme qui bénéficierait d’un choc réduit à 22 %. Cette proposition est la bienvenue mais elle est assortie de conditions d’emploi trop restrictives. Les assureurs – acteurs clés du financement en fonds propres – appellent à un cadre plus simple de mise en œuvre, faute de quoi cette ouverture sur le long terme n’aurait pas l’effet escompté.
Études et débats
Pierre Martin, Les risques d’une Europe non coopérative
« L’orage vient de finir, et cependant nous sommes inquiets, anxieux, comme si l’orage allait éclater. Presque toutes les choses humaines demeurent dans une terrible incertitude. » Dans ses réflexions pessimistes sur la civilisation européenne d’après 1918, Paul Valéry convoquait « l’incertitude », concept opposé au risque en ce qu’il n’est lui pas probabilisable. L’actualité européenne illustre à notre sens le risque partiellement réalisé d’une Europe non coopérative. Le présent article essaie de mettre en perspective historique les risques d’une Europe non coopérative pour répondre à l’interrogation suivante : quel est le prix visible, à court terme, et moins visible, à long terme, d’une dynamique européenne non coopérative ?
Arthur Charpentier et Béatrice Cherrier, La valeur de la vie humaine
En 1928, revenant sur la révolution chinoise de 1925, André Malraux publie son roman Les conquérants, et glisse « j’ai appris qu’une vie ne vaut rien, mais que rien ne vaut une vie ». Si la formule peut plaire, on imagine qu’elle n’aidera pas trop un décideur public. En 2013, le Commissariat général à la stratégie et à la prospective, en France, évaluait la valeur d’une vie à trois millions d’euros. Mais d’où sort ce chiffre ? Et que signifie-t-il vraiment ?
Les débats de Risques
Patrick Artus, Christophe Bavière, Jean Malhomme et Olivier Mareuse, Vers une transformation de l’épargne des Français ?
Le 20 mai 2019, Risques a organisé un débat sur les placements financiers des Français. On pourrait avoir l’impression que peu de choses bougent, et notamment que l’aversion des Français pour la prise de risque est toujours aussi forte, alors que les niveaux historiquement bas des taux d’intérêt doivent conduire à une prise de risque un peu plus importante pour espérer une rémunération supérieure à l’inflation. Le mérite du débat est d’avoir montré qu’il existe des permanences dans les comportements d’épargne – marqués effectivement dans notre pays par une nette aversion au risque comme le montre l’importance des dépôts à vue ou des sommes investies sur des livrets rapportant moins que l’inflation ; mais aussi des évolutions assez fortes comme le développement de la souscription d’unités de compte dans le cadre de l’assurance vie ou le financement massif des entreprises par des actions non cotées. Étaient réunis pour en débattre : Patrick Artus, chef économiste, membre du comité exécutif de Natixis et professeur d’économie à l’École d’économie de Paris, Christophe Bavière, président du directoire d’Idinvest Partners, Jean Malhomme, directeur épargne et prévoyance AXA France et président de la Commission des assurances de personnes de la FFA, et Olivier Mareuse, directeur des fonds d’épargne et des gestions d’actifs de la Caisse des dépôts et consignations.
Actualité de la Fondation du risque
Caroline Hillairet, Comment améliorer la modélisation des taux d’intérêt à long terme ?
La modélisation des taux d’intérêt à long terme constitue un enjeu capital pour le financement de projets dont les bénéfices ne se feront sentir que dans le long terme comme l’épargne retraite ou les projets écologiques. Néanmoins, la politique de taux bas mise en œuvre pour relancer l’économie après la crise est difficilement compatible avec le développement de projets de long terme. Des chercheurs proposent une technique novatrice pour perfectionner les modèles économiques traditionnels.
Recension
Jean-Hervé Lorenzi, François-Xavier Albouy et Alain Villemeur, L’erreur de Faust par Daniel Zajdenweber