Ce numéro de Risques nous fait plonger dans le débat essentiel et éternel de la nature de la croissance et de sa vivacité. Aujourd’hui, chacun s’interroge à juste titre sur l’environnement, le réchauffement climatique, la nature du mix énergétique souhaitable. On comprend désormais à quel point le prix de l’énergie est central dans la nouvelle trajectoire de l’économie mondiale. Et on donne – de manière parfois un peu exclusive – au couple économie-écologie le rôle majeur de toute politique à suivre au niveau mondial, européen et français.
Or la croissance est liée à bien d’autres problèmes, dont une partie est abordée de manière passionnante dans ce numéro. Tout d’abord, nous avons eu la chance d’interviewer Alain Bazot, président de l’UFC-Que choisir. Au-delà de la qualité et de l’intérêt de l’entretien, le fait nouveau aujourd’hui est que le consommateur sera, dans les années qui viennent, l’acteur majeur de l’évolution des marchés et de la nature des investissements réalisés à l’échelle mondiale. Dans notre discussion, nous nous sommes centrés sur un ensemble de produits qui pourraient ne pas apparaître au cœur des préoccupations des consommateurs puisqu’il s’agit de produits d’assurance. Mais l’on voit bien à quel point l’exigence se fait forte et la perception des risques encourus très large.
Même constat dans un domaine qui lui aussi apparaît comme très traditionnel, celui de la construction. L’assurance des biens immobiliers est perçue comme une des plus vieilles protections pour les individus et pour les entreprises qui promeuvent et construisent. Mais là aussi le monde change et la nécessité de mettre les biens immobiliers au cœur même des transformations règlementaires et économiques s’impose.
Comme l’écrit Pierre-Charles Pradier en introduction du dossier « Risques et solutions », toutes les évolutions de nos sociétés impactent définitivement nos protections face aux risques dans ce domaine qu’est l’assurance, c’est-à-dire le développement d’un secteur d’activité si important pour la croissance. Mais plus encore, lorsque l’on occulte la croissance telle que nous la souhaiterions – celle qui animera la France et l’Europe –, c’est évidemment vers Solvabilité II que l’on se tourne, et l’on s’interroge sur la capacité de transformer cette directive. En effet, la crise de 2007-2008 avait conduit les pouvoirs publics à vouloir protéger le client de tout nouveau décrochage de la finance mondiale. Ceci a entraîné de fait une surcharge en obligations de capital, dont chacun voit bien qu’elle est un frein pour la croissance. Pourquoi est-ce si difficile de réviser Solvabilité II ? D’abord et cela en pure logique, parce que ce sont les personnes à l’origine de Solvabilité II qui sont censées accepter aujourd’hui les nombreuses critiques. Et puis la perception de la finance assez négative de la part du grand public est une incitation pour une règlementation très stricte, une vision très sécuritaire de la banque. Inutile de dire à quel point ceci compromet la possibilité pour l’Europe de rebondir vers une croissance plus forte et donc vers une création de richesse plus forte. C’est à cette grande difficulté d’évolution règlementaire que nous avons souhaité participer.
Cette même exigence pour une meilleure utilisation de l’épargne, nous l’avons retrouvée dans le débat qui a réuni quatre personnalités françaises du monde de l’épargne, Patrick Artus, Christophe Bavière, Jean Malhomme et Olivier Mareuse. L’enjeu était de savoir comment penser une allocation d’épargne de nos concitoyens davantage dirigée vers un investissement productif. Question inlassablement posée aux pouvoirs publics pour résoudre le problème d’une épargne enlisée dans des produits trop prudents. Et ceci soulève une interrogation majeure : comment imaginer que l’épargne financière, largement détenue par les seniors – les plus de soixante ans –, s’investisse dans des produits plus risqués. Pour résoudre cette redoutable équation, il nous faudra à l’avenir être plus imaginatif, proposer une répartition des risques entre la collectivité et l’individu plus adaptée au vieillissement. Mais cela est un tout autre dossier.