Vice-président de France Assureurs et directeur général d’Axa France, Guillaume Borie observe que la culture du risque n’est pas assez développée dans notre pays. Ce constat s’accompagne d’une conviction forte : pouvoirs publics et assureurs peuvent œuvrer conjointement à une meilleure acculturation de nos concitoyens aux risques.
Risques : Quel regard portez-vous sur la culture du risque en France ?
Guillaume Borie : En matière de risques physiques et matériels, je trouve que la situation est plutôt satisfaisante, j’en veux pour preuve le taux de couverture des Français en assurance habitation, plus élevé que celui de certains de nos voisins. Nos concitoyens ont saisi l’importance de disposer d’une telle couverture et cela infuse sur le reste des risques physiques, à commencer par l’assurance automobile. Si les Français disposent d’une culture solide en termes de risques physiques, ce n’est malheureusement pas le cas sur d’autres plans. Je songe tout particulièrement à la dimension financière. Par rapport à d’autres pays développés, la culture financière de nos concitoyens n’est pas assez étendue. Force est de constater que les Français n’ont pas toujours une conscience aiguë des problèmes financiers qui peuvent survenir dans leur existence. Surtout, ils n’ont pas suffisamment à l’esprit qu’ils peuvent se prémunir contre ces aléas.
Risques : Comment renforcer cette culture financière ?
Guillaume Borie : De bons réflexes doivent être adoptés tels que la constitution d’une épargne dès que possible ou encore le fait de préparer sa retraite. Soyons lucides, les Français sont insuffisamment formés sur le sujet. Nous enseignons trop peu le fonctionnement d’une entreprise ou encore les mécanismes de création de valeur. L’école et l’enseignement supérieur pourraient pourtant doter les Français de bases suffisantes en la matière. Ce manque de culture financière fait le lit d’un discours parfois déformé envers le monde de l’entreprise. Par exemple, les grandes entreprises françaises sont parfois critiquées au motif qu’elles verseraient trop de dividendes et que cela ne profite pas aux Français. En réalité, nous devons mieux expliquer le principe de la retraite par capitalisation et le fonctionnement des fonds de pension dont les Français pourraient bénéficier s’ils étaient davantage développés. Quoi qu’il en soit, nous avons beaucoup d’efforts à réaliser pour faire progresser cette éducation financière et en tant qu’assureur, nous devons particulièrement mieux expliquer notre métier et comment nous finançons concrètement l’économie.
Risques : Quel est le rôle des assureurs pour mieux sensibiliser les Français aux risques et les accompagner lorsqu’ils surviennent ?
Guillaume Borie : Depuis toujours, les professionnels de l’assurance sont de fins connaisseurs des risques dans leur diversité et leur complexité. Nous pourrions nous associer aux pouvoirs publics pour mieux acculturer nos concitoyens. C’est à leurs côtés que nous pourrons mettre en place de grands programmes de sensibilisation. Nous l’avons très bien fait à une époque sur la prévention routière. Nous pouvons renouer et consolider le dialogue entre les professionnels du secteur de l’assurance et les pouvoirs publics. Au-delà de la prévention, qui est au demeurant un sujet central, les assureurs ont des réponses concrètes à apporter à nos concitoyens. Prenons l’exemple de la santé et des soins. Les assureurs peuvent contribuer à renforcer la prévention ainsi que l’accès aux soins, notamment dans les territoires les plus fragilisés. Les déserts médicaux constituent un enjeu majeur auquel les assureurs peuvent apporter une réponse solide et pérenne ; nous sommes prêts à discuter de solutions avec les dirigeants politiques.
Risques : Comment les nouvelles technologies vont-elles impacter l’appréhension des risques ?
Guillaume Borie : Indéniablement, ces nouvelles technologies permettent de mieux comprendre les risques. Elles nous offrent la possibilité de gérer de façon industrielle et rapide les données. Nous pouvons même « algorithmiser » et automatiser plusieurs étapes. Ces avancées ont de nombreuses vertus : nous allons plus vite, nous sommes plus fins dans l’analyse, nous améliorons l’efficacité économique de la couverture. Cette meilleure compréhension du risque bénéficie d’ailleurs à tous, aussi bien aux assureurs qu’aux assurés. Les avantages induits par ces innovations ne doivent pas nous dispenser d’un questionnement sur leur impact. C’est ainsi qu’on peut légitimement se poser la question suivante : est-ce qu’avec l’IA on ne s’achemine pas vers un prix individuel du risque au détriment de la mutualisation ? Je n’y crois pas, car la plupart des acteurs sont multirisques. Par définition, on ne peut pas regarder chaque sujet en le compartimentant. Je ne peux traiter le dossier d’un client en me focalisant uniquement sur son risque automobile en l’« ultra-personnalisant » au détriment du reste. L’IA va aussi nous fournir une aide dans la gestion de nos opérations et dans celle des sinistres. C’est une source d’espoir pour tout le secteur et pour l’ensemble des assurés. Tout ceci doit bien sûr être conduit de façon éthique, en disposant d’une indispensable bonne gouvernance.