Vice-président de France Assureurs et directeur général de Société Générale Assurances, Philippe Perret nous éclaire sur la dimension matricielle de la confiance dans la relation entre l’assureur et son assuré. Une relation que le secteur s’emploie à préserver face à l’émergence de nouveaux risques.
Risques : En quoi l’assurance et la confiance sont-elles intimement liées ? Dans quelle mesure la mutualisation des risques, sur laquelle repose l’assurance, vient-elle nourrir cette confiance ?
Philippe Perret : La confiance est au cœur de l’assurance, tissant un lien indéfectible entre assureurs et assurés. L’un des fondements de ce lien réside dans la nature même du modèle d’assurance caractérisé par un cycle de production inversé. Le client paie en avance de phase pour une prestation dont il ne connaît pas exactement ni la date ni l’intensité. Symétriquement, l’assureur établit un prix pour cette prestation en se basant sur les informations communiquées par l’assuré. La confiance est donc mutuelle et elle permet à l’assureur d’ajuster le tarif au risque réel. Il doit donc pouvoir compter sur des informations exactes, condition essentielle pour une couverture ajustée et équitable. Le lien avec la mutualisation est fondamental. L’assuré ne peut avoir confiance dans l’assureur que s’il a bien compris que ce dernier aura bien la capacité financière de faire face à un sinistre d’ampleur. Pour sa part, l’assureur doit pouvoir compter sur le fait que tous les risques couverts ne se réaliseront pas simultanément. La mutualisation est donc le socle de la confiance dans l’assurance.
Risques : Quels sont les défis que vous rencontrez pour maintenir et renforcer cette confiance, notamment face aux nouveaux risques (climatiques, sanitaires, etc.) ?
Philippe Perret : L’émergence de nouveaux risques présente un défi pour les assureurs et les assurés. Lors de la crise sanitaire, nous avons été confrontés à un risque systémique : presque tous les secteurs d’activité ont été touchés simultanément par cet événement, d’une telle intensité qu’il risquait de mettre en défaut la couverture par les assureurs. Lorsque les événements prennent une nature imprévue, échappant aux termes originels du contrat ou à la tarification des risques, cela met à l’épreuve la solidité de la mutualisation. En effet, celle-ci perd toute son efficacité si tous les assurés sont concernés simultanément par le même événement. En matière climatique, nous n’en sommes pas au même niveau d’exposition au risque, bien que nous voyions la fréquence des événements augmenter et leur intensité progresser. L’enjeu pour la profession de l’assurance est de s’adapter à des événements qui sont durables et dont l’intensité va se développer. Continuer à mutualiser paraît plus que jamais essentiel.
Risques : Dans un contexte de transformation digitale, comment conciliez-vous innovation technologique et maintien de la confiance, en particulier en matière de protection des données personnelles ?
Philippe Perret : L’émergence de nouvelles technologies de traitement des données, et notamment de l’intelligence artificielle, fait naître de fortes attentes pour les professionnels de l’assurance. Ces technologies de pointe offrent une capacité d’analyse et de mesure des risques d’une précision inédite, nourrissant de nouvelles perspectives pour notre secteur. Cependant, cette avancée n’est pas sans poser des défis, notamment pour la relation de confiance que nous entretenons avec nos assurés, en matière de mutualisation. Par exemple, les assurés à faible risque pourraient légitimement s’interroger : pourquoi devraient-ils contribuer à la couverture de risques plus élevés, puisque les données transmises attestent de leur profil ? Ce questionnement, s’il n’est pas encadré, pourrait fragiliser le socle solidaire qui caractérise notre métier. Nous devons rester modérés dans l’utilisation des données et dans la discrimination des tarifs. Et nous devons rester vigilants, car nous ne sommes pas certains que des acteurs peu scrupuleux, qui ne sont pas des assureurs natifs, prendront autant de précautions que nous. Il existe donc un risque que le marché se déséquilibre à un moment donné. L’assuré a bien compris l’intérêt qu’il y a à fournir, sous la protection du RGPD, un maximum de données à son assureur pour appréhender plus finement le risque. Mais il est fondamental que FIDA ne permette pas de divulguer les données les plus confidentielles que les assurés acceptent de fournir uniquement à leur partenaire de confiance, leur assureur.
Risques : Dans quelle mesure la relation humaine entre conseillers et clients contribue-t-elle à la confiance dans les produits d’assurance, surtout à l’ère de la digitalisation ?
Philippe Perret : La digitalisation de la relation client a considérablement évolué et les outils numériques offrent aujourd’hui un haut niveau d’automatisation satisfaisant les attentes de nombreux assurés. Toutefois, certaines situations appellent encore à l’intervention humaine, indispensable pour apporter des réponses claires, personnalisées et pour accompagner certains clients. Dans des moments de crise ou de sinistres majeurs, la présence d’un conseiller reste essentielle, offrant écoute, expertise et support aux clients dans des démarches parfois complexes. La plupart des assureurs proposent aujourd’hui à leurs assurés un triangle relationnel : des parcours simplifiés via les outils digitaux, un contact via le téléphone pour répondre à leurs questions ou enfin la possibilité de se rendre en agence pour échanger avec un conseiller. Il faut souligner que le besoin de maintenir le contact physique reste entier, y compris chez les nouvelles générations digital natives, et témoigne de la valeur ajoutée que représente l’humain dans notre métier, socle de la relation de confiance entre assureurs et assurés.