Si l’on devait caractériser le numéro 135 de Risques, ce serait sans nul doute en lui associant le mot de défis. Le monde est confronté à trois chocs apparus soudainement et auxquels nous devons apporter des réponses car il y a urgence. Lorsque l’on travaille sur elles on s’aperçoit du rôle majeur que joue et jouera dans les décennies à venir l’Assurance, forte de s’appuyer sur la Science des Risques. Le premier exemple en est caractéristique, il porte sur la rareté des ressources qui faut-il le rappeler correspond à la définition stricte des Sciences Economiques, « l’allocation des ressources rares ».
Nous avons centré notre réflexion sur l’eau et la sécheresse. L’intervention d’Erik Orsenna est majeure parce qu’elle nous rappelle que la gestion de l’eau est l’expression même de la gestion de nos sociétés. On le voit à travers l’immense problème que nous pose la sécheresse, qui n’en est qu’à ses balbutiements. On voit alors que la réponse ne peut être que dans une association intime entre la prise en charge des coûts de ce drame naturel, totalement lié au réchauffement climatique, et celle de l’Etat qui fonde son intervention sur ce que sont les catastrophes naturelles. C’est le premier défi, qui nous renvoie directement vers le second, celui du rôle plus large que doit jouer l’Etat dans la prise en charge des risques que connaît une société.
La définition d’une frontière en l’Etat et le Marché n’est pas une question récente. Mais aujourd’hui plus qu’avant, les contours de cette frontière se modifient. L’exemple de la santé mais également celui du risque de chômage sont les parfaites illustrations de cette volonté de trouver un nouvel équilibre, celui du financement de la protection sociale. Et on le sait, cela est au cœur de nos fonctionnements baptisés fordiens, c’est-à-dire très protecteurs des individus tout au long de leur vie. Mais le choc démographique rebat les cartes et les frontières du passé apparaissent aujourd’hui comme inadaptées aux besoins de financement à venir.
Enfin, le troisième choc est évidemment celui des bouleversements qu’imposent les innovations numériques, et notamment l’émergence de l’intelligence artificielle. Nous avons toujours tendance à considérer que le monde change en un instant. Le débat que nous avons eu s’inscrit au contraire dans la vraie temporalité. Tout ne va pas être en quelques instants mis entre les mains de logiciels destinés à remplacer le travail humain. Le secteur de l’assurance est fait de femmes et d’hommes, de conseils, de décisions discutées et prises entre les fournisseurs de solutions et les assurés. Rien ne viendra remplacer cette équation mais il vaut mieux prendre dès à présent les décisions de s’appuyer sur les technologies les plus disruptives en les contenant à un rôle d’outil. Ainsi va le monde, secoué par des changements brutaux comme certes ce fut déjà le cas dans le passé, mais pour lesquels jamais l’Assurance ne fut aussi impliquée.