Le numéro 109 de Risques présente une description fouillée de tout ce que le monde actuel, son économie, son mode de fonctionnement social, peut comporter de risques nouveaux, parfois difficiles à conceptualiser et toujours extrêmement délicats à contrôler et à gérer. Successivement sont appréhendés les risques industriels d’un monde globalisé pour lesquels la France semble si mal préparée, si fragile et si peu entreprenante ; puis vient le risque climatique, avec son lot énorme de souffrance des petits cultivateurs – notamment africains – dont la capacité de survie est mise en jeu par les changements brutaux de climat. Et enfin, les risques liés à l’expansion non contrôlée de la numérisation de l’économie et des risques d’intrusion excessive dans la vie personnelle des uns et des autres. Mais ce qui est fascinant dans cette description, qui pourrait sembler apocalyptique, comme l’expression d’une extension sans fin des risques, c’est que dans tous ces domaines existent des réponses, plus exactement des tentatives pour les gérer.
Pour ce qui concerne la prise de risque industrielle, l’interview de Laurent Castaing est particulièrement éclairante et passionnante. Rien n’est jamais écrit et l’histoire industrielle nous réserve bien des surprises. Qui aurait pu imaginer, il y a simplement deux décennies, que les chantiers de Saint-Nazaire deviendraient les spécialistes mondiaux de la construction de paquebots de croisière ? Tout cela est rendu possible, comme son directeur général nous le montre, par la compétence technique et par l’intelligence financière qui a permis, dans des moments extrêmement difficiles, de contourner les risques d’abandon ou de faillite. Même chose pour l’agriculture, notamment celle de ces millions de petits paysans soumis aux aléas climatiques. Dès aujourd’hui, on peut mettre en place des produits d’assurance indicielle, très novateurs. Cette assurance agricole individuelle pourrait donner à terme une réelle capacité à ces femmes et à ces hommes de maîtriser un tant soit peu leur avenir et donc leur investissement. C’est là le rôle formidable de l’assurance, telle qu’elle a toujours été conçue, protectrice par une mutualisation intelligente des risques les plus fondamentaux et par là même créatrice de richesses et de progrès.
La protection des données personnelles, elle aussi, peut être imaginée à travers des mécanismes de régulation, des règles strictes qui interdisent aux divers opérateurs des extensions de l’utilisation de ces données à des fins commerciales qui nous sont étrangères. Peut-on nous permettre de penser que la régulation, comme cela était montré pour la Cnil, est bien difficile à mettre en œuvre ; que le développement de l’intrusion ne fera que progresser ; et comme cela fut le cas au début du XXe siècle aux États-Unis, que seule une volonté de casser les monopoles permettra de libérer les individus d’une dictature à terme de quelques grands acteurs du numérique ? Mais tout cela est encore à dessiner, à concevoir, à discuter et c’est bien l’objet de ce numéro de lancer sur ces trois thèmes un débat dont on espérera qu’il sera fructueux. Restait à vous plonger dans l’actualité la plus chaude. C’est ce que nous avons fait en organisant deux débats liés à la campagne présidentielle. L’un porte sur la place du risque dans le discours des candidats, l’autre sur la difficulté actuelle à prévoir l’avenir politique. L’un et l’autre nous incitent à beaucoup de modestie et beaucoup d’ambition pour Risques.