Ce dossier sur l’assurance agricole intervient alors que le gouvernement et France Assureurs travaillent à la mise en place d’un nouveau système de financement avec des subventions publiques et un caractère obligatoire de l’assurance.
Le député du Val-de-Marne et auteur du rapport sur l’assurance récolte, Frédéric Descrozaille, souligne les particularités des agriculteurs qui ont tendance à plus assurer leur bétail et leurs bâtiments qu’eux-mêmes. La perception du risque est irrationnelle au sens où la perte de récolte est en quelque sorte incluse dans l’activité elle-même et n’est pas perçue comme devant être assurée. Ainsi, les risques de fréquence sont sous-estimés et les risques de pointe sont surestimés. Il prône la création d’un pool de coréassurance spécifique qui garantirait une mutualisation large des tarifs d’assurance et pointe l’importance d’une formation spécifique du secteur, seule condition pour parvenir à une augmentation des taux de pénétration.
De son côté, Christiane Lambert souligne l’importance de considérer l’agriculteur comme un entrepreneur et de lui donner les outils lui permettant d’anticiper les aléas économiques, climatiques ou sanitaires. C’est essentiel pour mettre en place des modes de gestion à moyen terme des exploitations. Cette assurance permettrait de donner des outils aux agriculteurs pour anticiper et aussi pour agir sur les transformations climatiques. Elle pointe les améliorations essentielles à consentir pour améliorer les conditions de l’assurance récolte et en faire un outil de gestion pour l’exploitant et un support pour une prévention des risques climatiques.
Philippe Tillous-Borde et Philippe Dusser insistent sur la gestion des risques en général, qui doit prendre en compte l’aggravation des risques climatiques, certes, mais aussi la variabilité des prix, conséquence de la libéralisation des marchés. Prolonger les mécanismes qui existent déjà pour stabiliser les revenus, développer de l’épargne de précaution et se protéger contre les variations climatiques est le défi qu’il faut relever. L’introduction d’un mécanisme de stabilisation des revenus, comme aux Etats-Unis par exemple, est un enjeu majeur pour le renouvellement de la politique agricole commune (PAC) en couvrant le risque prix et le risque de rendement.
Au lendemain de la catastrophe historique de l’épisode de gel de l’hiver 2021, l’attention est naturellement portée sur les risques climatiques, mais les risques de variation des prix sur les marchés mondiaux sont aussi au cœur des enjeux de l’entreprise agricole.
David Moncoulon et Dorothée Kapsambelis, à partir d’un travail de modélisation très fin du risque agricole, soulignent l’augmentation des taux de retour des risques de sécheresse extrême – comme en 2011 – et indiquent des taux de retour entre trois et cinq ans d’ici à 2050. L’augmentation de la fréquence des risques extrêmes demande une adaptation des comportements des exploitants d’une part, et une transformation des outils de gestion des risques d’autre part.
François Nédey souligne l’inefficacité globale du système assurantiel qui réagit par des systèmes de soutien de l’Etat en cas de catastrophes et milite en faveur d’une transformation du système d’assurance. Au-delà du subventionnement, il insiste sur la nécessité absolue de mieux mutualiser les risques qui pèsent sur les récoltes et donc de ne pas s’interdire de réfléchir à une obligation d’assurance récolte comme dans d’autres domaines, comme les catastrophes naturelles.
Ignacio Machetti propose une description du dispositif espagnol de couverture des risques agricoles qui passe par l’universalité des risques assurables des 43 groupes d’assurance, une adhésion volontaire des producteurs, la solidarité de l’ensemble des acteurs, la suppression des aides pour la couverture des dommages qui sont assurables et passe, pour la solvabilité du système, par une coassurance et une réassurance étendues.
Enfin, Delphine Létendart insiste sur la réforme de la gestion des risques et une meilleure articulation entre l’Etat et les assureurs. Les assureurs sont attentifs aux évolutions du secteur et accompagnent leurs assurés devant les catastrophes, mais l’heure est à la refonte du système avec un engagement plus fort des pouvoirs publics puisque la gestion des risques agricoles en période de risques climatiques est bel et bien partie prenante de la politique agricole et garante de la sécurité alimentaire.