Le monde est en danger, comme ce ne fut jamais le cas depuis un demi-siècle. Bien évidemment il y a la situation sanitaire que nous avons largement évoquée dans notre numéro 121. L’évolution non prévisible des progrès pour lutter contre cette pandémie est déterminante mais personne de sérieux aujourd’hui ne se risquerait à fixer un calendrier. Mais le plus inquiétant dans cette période, c’est la perte de référence scientifique qui fait que des points de vue extrêmement divers – et qui se présentent tous comme des vérités absolues – s’opposent, même si les uns et les autres s’appuient en théorie sur des éléments scientifiques tangibles.
Cette crise ne fait qu’hystériser des problèmes qui préexistaient. De fait, il était vraisemblable que nous allions d’un pas beaucoup plus mesuré vers des tensions économiques, sociales, politiques et géostratégiques qui forgeraient ensemble une véritable rupture, aussi forte que le fut la chute du mur de Berlin en 1989. Mais il se trouve que le printemps 2020 fut un moment où tous ces phénomènes sous-jacents se sont accélérés dans des conditions inconnues jusqu’alors et se sont renforçés, donnant au mot incertitude, au-delà du risque, une connotation de danger.
Le plus caractéristique, c’est évidemment cette interview passionnante de Jacques de Larosière, qui nous explique à quel point la politique des banques centrales – cette incroyable création de liquidités pour maintenir les taux à des niveaux très faibles – nous conduit à de graves difficultés. C’est d’ailleurs le parfait exemple de l’accélération : l’assouplissement quantitatif (quantitative easing), lié à la crise précédente, est désormais une caractéristique fondamentale des politiques menées par toutes les banques centrales consacrant le rôle prédominant, et dans beaucoup d’esprits désormais définitif, de la prééminence des politiques monétaires.
Les autres sujets traités dans ce numéro 123 ne sont pas nouveaux, mais ils prennent une intensité toute particulière. Le monde se numérise et les tentations d’intrusion de toute nature s’appuyant sur les technologies de plus en plus élaborées s’accélèrent dans une course sans fin entre gendarmes et voleurs. Ce risque touche tous les acteurs de la société publique et privée et, aujourd’hui, les règles de son assurabilité ne sont pas encore entièrement définies. Même chose pour le secteur public. La crise du Covid-19 lui donne un rôle que personne ne pouvait imaginer il y a encore quelques mois. Il est au cœur des solutions que nous cherchons tous, tout débat idéologique ayant largement disparu dans tous les pays du monde. Mais ces acteurs-là, ceux de la sphère publique, ont-ils une capacité réelle de se protéger face à tous les risques que nous connaissons ? Peut-on réellement parler de risque management public ? Oui, mais faut-il encore qu’il s’adapte au monde nouveau et c’est ce que les différents auteurs ont tenté d’expliquer.
Personne ne sait combien de temps durera la crise sanitaire, mais ses effets seront durables et changeront profondément la société. C’est une petite partie de cette découverte qui a sous-tendu l’ambition de ce numéro.