Il apparaît que les résultats face à la pandémie diffèrent d’un pays à l’autre dans des proportions importantes et que les questions sur ces différences relèvent d’une interrogation sur les politiques publiques optimales, et ce, notamment, en matière de santé. Si peu d’interrogations se font jour sur la nécessité du confinement, il y a beaucoup d’interrogations sur la date choisie pour ce confinement et surtout sur les méthodes d’organisation du confinement. Ces interrogations rejoignent une analyse de l’efficacité et de la qualité du management de la santé publique suivant les pays.
Une note de travail très complète de Paul-André Rosental – parue sur le site de Terra Nova – revient sur ces différences entre pays. Le premier constat est que le nombre de lits d’hôpitaux par habitant et le nombre de lits de réanimation sont assez descriptifs du nombre de morts par habitant. La différence est très forte entre la moyenne européenne et la moyenne dans certains pays d’Asie, comme la Corée du Sud, la Thaïlande ou Taïwan où, on le sait, l’épidémie a fait beaucoup moins de victimes en pourcentage de la population qu’en Europe. En Europe même, l’Allemagne, qui avait les meilleurs taux d’équipement, a bénéficié des taux de mortalité les plus bas. Il n’y a donc pas beaucoup d’interrogation sur l’importance des investissements en matière de santé pour permettre aux systèmes de santé de réagir de manière appropriée à un choc de type Covid-19. Un choc de cette nature avait été anticipé dans les plans de prévention développés après la crise du SRAS, lesquels n’ont pas toujours été suivis d’effet de la même manière dans tous les pays concernés.
À ce constat brut, il faut ajouter des considérations plus fines. Il semble par exemple qu’un système décentralisé comme en Allemagne [ministres de la Santé par Länder et privatisation d’une partie importante du secteur hospitalier (40 %)] a été plus efficace qu’un système très centralisé où les circuits de décisions administratifs sont lourds comme en France. Attention toutefois, un système fédéral avec une régulation politique locale et une régulation économique par la privatisation ne donne pas nécessairement de bons résultats, et beaucoup d’observateurs s’interrogent sur les ratios de mortalité très différents pour les personnes âgées suivant les politiques suivies par les États aux États-Unis. Dans certains États, les administrations locales ont décidé de renvoyer dans les équivalents des Ehpad les personnes âgées contaminées et les ont fait sortir de l’hôpital. Le résultat a été une hécatombe. Dans d’autres États américains, la politique inverse a été suivie et la mortalité des personnes âgées est nettement plus faible.
Les enseignements en termes de santé publique qui seront tirés de l’épisode du Covid-19 seront nombreux et concerneront l’équipement en général, comme un élément fondamental des politiques de santé publique. D’autres enseignements seront tirés des politiques de prévention et de confinement. L’importance des tests et le confinement – non pas général mais limité à des territoires et à des catégories de population – seront très certainement développés et seront des critères importants des politiques publiques.
Bibliographie
ROSENTAL P.-A., « Un balcon en forêt 2020. Essai comparatif sur l’épidémie de Covid », Terra Nova, 5 mai 2020.
http://tnova.fr/system/contents/files/000/002/011/original/Terra-Nova_Cycle-Covid19_Un-balcon-en-for_t_060520.pdf?1588861573
BOISSAY F. ; REES D. ; RUNGCHAROENKITKUL P., “Dealing with Covid-19: Understanding the Policy Choices”, BIS Bulletin, n° 19, Bank for International Settlements, 22 mai 2020.
https://www.bis.org/publ/bisbull19.pdf