Ce numéro 120 plonge, pour la première fois, dans l’univers complexe de la croissance mondiale actuelle et de ses relations avec l’assurance, difficiles à interpréter, compliquées à prévoir, et pourtant fondamentales à impulser de manière positive pour les années qui viennent.
Ce sujet se devait d’être abordé de deux manières différentes : d’une part, la protection, et donc l’impulsion donnée aux investissements – et ce dans une démarche keynésienne – largement publics aujourd’hui, et d’autre part, l’utilisation de l’épargne des Français, au moment où les trente millions de contrats d’assurance vie (représentant 1 700 milliards d’euros) sont confrontés à l’énorme difficulté de la faiblesse des taux d’intérêt. On le voit, tant l’assurance sur les infrastructures en cours que le rôle des assureurs dans l’économie française sont les deux points clés de la croissance présente et à venir.
Nous avons eu la chance de débuter cette publication par une interview, très symbolique, de Thierry Dallard, président du directoire de la Société du Grand Paris. Cette interview est une parfaite description de la nature multiple des risques que peut connaître un projet si vaste et si lourd financièrement. On sait le rôle très important que les infrastructures, quelles qu’elles soient, ont joué dans les politiques publiques françaises depuis toujours. Et le projet du Grand Paris exprime à la fois une volonté étatique qui ne se dément pas, une cohérence et une intelligence du projet tout à fait étonnantes, et une prise de risque non négligeable. Une fois de plus, on s’aperçoit que face aux risques, la rapidité d’exécution – en l’occurrence un horizon à 2030 – est cruciale. La rubrique « Risques et solutions » s’attaque fort opportunément au sujet de l’assurance des grands chantiers et, à travers six articles, fait le point sur ce domaine, tout autant privé que public. Les avancées techniques dans ces domaines d’assurance sont vitales, parce que nous aurons dans les années qui viennent un ralentissement très marqué de la croissance mondiale, donc française, et les grands chantiers seront un des instruments majeurs d’un maintien suffisant de l’activité pour voir le chômage baisser dans notre pays. Une autre énigme de la période que nous vivons réside en la faiblesse de gains de productivité que la diffusion des nouvelles technologies devrait pourtant nous apporter. Et sur ce point, les grands chantiers sont un des éléments d’écosystème favorables à une plus grande efficacité dans la production, donc une masse salariale qui augmente de concert, et ainsi un cercle vertueux peut s’enclencher.
Mais ce numéro révèle bien d’autres difficultés, liées à un autre phénomène difficile à analyser, celui de la faiblesse des taux d’intérêt à court et long termes. Il y a d’abord toutes les questions qui s’imposent. Cela va-t-il durer ? Est-ce favorable pour la croissance économique ? Qui sont les gagnants, qui sont les perdants ? Plusieurs économistes répondent en soulignant que les banques centrales auront bien du mal, dans les années qui viennent, à modifier cette politique de « l’argent facile ». Et l’assurance est directement concernée, car elle est le réceptacle d’une large partie de l’épargne des Français, épargne aujourd’hui très difficile à rémunérer dans des conditions qui limitent les risques pour les épargnants. Nous n’avons pas aujourd’hui de solution idéale. Nous savons juste que cette situation a toutes les chances de perdurer et qu’il nous faut modifier, le plus intelligemment possible, le triangle de l’épargne : risque, rendement et durée des engagements. Tout est loin d’être résolu mais nous aurons, le comité éditorial le pense, éclairé deux des problèmes majeurs auxquels l’économie mondiale sera de plus en plus confrontée, et tenté de mettre en lumière le rôle positif que peut y jouer l’assurance.