Un fonds doté de cent millions d’euros va être créé par le ministère de la Santé pour soutenir l’innovation dans la santé. Ainsi, la France rejoint les efforts colossaux du Congrès américain, mais aussi de l’Allemagne et du Royaume-Uni pour promouvoir les innovations médicales qui sont englobées dans le terme d’e-santé.
Cette question de l’e-santé n’en est qu’à ses débuts. Elle combine les acquis des découvertes en matière de médecine et de diagnostic génétique au sens large, le développement considérable des technologies mobiles à fin de prévention, la gestion des données et le big-data.
Tous ces domaines sont encore balbutiants, bien que tous les jours l’actualité médicale ou scientifique annonce des découvertes majeures et parfois sensationnelles. Dans la pratique, les avancées sont timides. Les tests génétiques sont certes pratiqués couramment à l’hôpital pour détecter des tolérances ou intolérances à des médicaments dans le traitement de pathologies lourdes, mais ils sont loin d’être généralisés à l’ensemble des populations. La chute exponentielle du coût de ces méthodes diagnostics reste encore sans effet sur les pratiques – cela ne va pas durer. Les technologies mobiles au service de la santé se résument dans les pratiques des Français à des alarmes à distance pour les personnes âgées et à des équipements pour sportifs. Le rêve d’une e-santé avec une diminution très forte du recours à des généralistes, remplacés par des robots, reste un rêve d’utopiste. Quant à l’utilisation des données de santé, elle est limitée par les restrictions très fortes apportées à l’utilisation d’informations privées et confidentielles.
Surtout, le modèle économique n’est pas favorable en France entre une Sécurité sociale qui reste l’assureur principal de la santé et des complémentaires qui ne peuvent pour beaucoup de raisons peser sur les coûts du risque. Enfin, des résistances fortes existent pour stigmatiser, d’une part, une médecine qui deviendrait robotisée – même si elle serait plus efficace –, et d’autre part, l’idée d’une individualisation des modalités d’assurance santé. Pourtant quelques entreprises d’assurance sont sensibles à ces avancées et cherchent à s’inscrire dans ce mouvement qui, à n’en pas douter, sera la véritable révolution technologique des vingt prochaines années.
Ghislaine Alajouanine, qui milite depuis longtemps en faveur de l’e-santé, souligne l’impact sociétal de ces technologies dans des sociétés vieillissantes et ce qu’elles peuvent apporter en termes de bien-être aux populations. Elle défend une orientation politique volontariste pour l’adoption et le développement de ces nouvelles technologies dont elle souligne l’impact en matière d’emplois créés et de croissance.
David Bardey et Philippe De Donder posent le problème du point de vue de l’assureur et de l’assuré et s’interrogent sur les effets d’antisélection apportés par les nouvelles méthodes de diagnostic génétique. L’intérêt de leur démarche est de recenser les pratiques internationales en la matière. Leurs conclusions sont prudentes et tant que ces tests restent marginaux, rien ne devrait être modifié par rapport à la situation actuelle. La généralisation de ces pratiques amènera nécessairement des adaptations législatives ou contractuelles comparables à ce qui existe dans d’autres domaines de l’assurance.
Patrick Dhont suggère une stratégie en trois temps pour les sociétés d’assurance, une information et une recommandation au public sur ces nouveaux dispositifs, une offre centrée sur la prévention et enfin, un accompagnement immédiat de certaines pathologies, comme le diabète.
Mathias Matallah et Diane de Bourguesdon essaient une typologie des dispositifs innovants en matière de santé, et à partir de là, définissent des critères pratiques d’actions pour les entreprises d’assurance. Se méfier d’une approche trop naïve entre l’utilisation de ces dispositifs et la réduction des risques est leur message principal. Aussi les critères de rentabilité pour les assureurs restent à trouver dans le développement de nouveaux services aux assurés et surtout dans la construction de partenariats pérennes puisque ce domaine est en pleine évolution ; c’est-à-dire insister sur la qualité et la régularité des services proposés plus que sur les promesses technologiques, certes séduisantes mais encore expérimentales.
Sylvain Chapuis et Olivier Arroua expliquent la stratégie développée par le groupe MNH pour répondre aux attentes de ses adhérents. Conscients des enjeux, ils développent une série d’actions destinées à améliorer le bien-être de leurs clients, mais aussi la qualité des relations avec les professionnels de santé, et enfin un développement d’offres innovantes. C’est pour eux la meilleure façon de résister à l’arrivée qu’ils pressentent des géants du Net dans ce nouveau domaine qui va bouleverser les pratiques de l’assurance santé… et sur lesquelles la revue Risques, n’en doutons pas, reviendra souvent dans les mois et années qui viennent.