Prise de pouvoir de Viktor Orbán en 2010 en Hongrie, élection du parti Droit et Justice (PiS) en Pologne en 2015, « non » au référendum sur l’Europe aux Pays-Bas en avril 2016, Brexit en juin 2016, primaire républicaine aux États-Unis gagnée par Donald Trump à l’été 2016, annulation des élections en Autriche, risque de voir Marine Le Pen au deuxième tour des élections présidentielles françaises en mai 2017 : un rapide tour d’horizon montre une poussée récente des populismes dans le monde. Comment expliquer cette situation et quels en sont les risques pour nos démocraties ?
Afin de répondre à ces questions, un premier exercice consiste à définir la notion de populisme et à qualifier son impact sur la société. C’est l’objet du débat que la revue Risques a organisé avec Marc-Olivier Padis et Dominique Reynié. Ils soulignent notamment la diversité des notions qui gravitent autour du thème du populisme et constatent que le populisme a toujours été présent, à des degrés divers, au sein des démocraties. Ainsi, revenant sur l’histoire des populismes en France depuis le XIXe siècle, Pierre Martin nous rappelle que la montée des populismes constatée aujourd’hui n’est pas un phénomène nouveau. En période de rupture forte, de mutations socioculturelles et économiques majeures, le populisme a prospéré en France.
Analysant les causes profondes de l’adhésion des électeurs au discours du Front national, Jean-Yves Camus cite la défiance envers la technocratie, la dénonciation permanente des élites et la délégitimation des experts. Il s’interroge sur le rôle que la notion de risque joue dans le succès frontiste et met clairement en évidence le risque pris par les dirigeants du FN comme moteur de leur stratégie de conquête.
Jacques Rupnik focalise son article sur les courants populistes des pays du groupe de Visegrád. Dans chacun de ces pays – autrefois considérés comme exemplaires en termes de transition démocratique – la démocratie libérale a été largement contestée. Des facteurs économiques, des valeurs conservatrices et la poussée migratoire expliquent cet état de fait.
Parallèlement, Stéphane Rozès présente la montée des populismes comme la conséquence directe du paradoxe qui affecte la mondialisation actuelle : la diffusion accélérée de la globalisation financière et numérique uniformise nos façons de produire, d’échanger et de consommer. Alors qu’elle aurait dû rapprocher les peuples, elle les a éloignés et les a poussés à revenir à leurs racines et à leurs traditions spécifiques, s’abritant derrière des frontières ou des communautés ethniques ou religieuses.
Enfin, Gérald Bronner souligne le rôle des médias sociaux et d’Internet dans l’émergence des populismes. Il explique que l’absence de régulation des marchés de l’information a favorisé la démagogie cognitive, la diffusion de faits inexacts et, in fine, la manipulation des individus. Ainsi, les messages radicaux gagnent une audience qu’ils n’auraient jamais eue autrefois du fait de cette diffusion incontrôlée des messages.
Situation économique dégradée, sentiment de déclassement des classes moyennes, vague d’immigration mal contrôlée, échec des politiques d’intégration, classes politiques traditionnelles décrédibilisées, tels sont donc les facteurs cités par nos contributeurs pour expliquer cette montée des populismes. Comment réagir ? De nombreuses pistes peuvent être évoquées mais l’une est majoritairement citée : il s’agit de mieux prendre en compte la protection des populations fragilisées par la mondialisation et par la persistance d’un chômage de masse, et de déployer des politiques efficaces d’intégration des populations immigrées.