Jamais, en un début d’année, l’incertitude ne fut aussi complète. Incertitude, parce que nul ne sait réellement quel sera l’impact de cette deuxième année de réductions coordonnées des déficits publics en Europe et aux États-Unis. Incertitude, parce qu’on ne connaît guère le calendrier des évolutions probables des politiques économiques en Europe du fait d’un ralentissement plus marqué de la croissance et de la proximité des élections allemandes. Incertitude enfin, parce que l’accord fiscal et budgétaire entre républicains et démocrates aux États-Unis n’a été qu’esquissé. Tout cela pour dire que la variable des ajustements la plus probable sera l’investissement et donc sa source même, c’est-à-dire l’épargne. Si l’on ajoute que l’économie mondiale se trouve confrontée à un double phénomène – le rééquilibrage entre consommation et épargne dans les pays émergents et l’impact largement à venir du vieillissement sur les marchés financiers, de l’emploi et des biens et services –, on est encore plus perplexe sur les actions à mener. C’est là toute l’originalité et l’intérêt de ce numéro 92 de Risques. Car toutes les parties de ce numéro sont dédiées à la crise actuelle, aux difficultés qu’elle pose à l’assurance et aux solutions qui peuvent être apportées dans cette situation si difficile.
C’est évidemment l’apport magistral de Denis Kessler, à la fois chef d’entreprise et économiste, de dépeindre cette période comme une rupture majeure de l’économie mondiale et de nous éclairer sur ce que sera le monde à venir. Nul n’est mieux placé qu’un réassureur pour intégrer dans sa réflexion la succession de chocs auxquels notre monde est confronté. Et Denis Kessler nous rappelle à quel point la théorie du risque est centrale pour appréhender ce début de siècle.
Un de ces chocs, c’est évidemment celui qui frappe l’assurance vie aujourd’hui perturbée par la faiblesse des taux et donc des rendements proposés au client. L’impact commercial en est une conséquence logique, d’autant plus que la fiscalité et les conditions réglementaires fixées pour l’épargne liquide viennent clairement bouleverser les équilibres précédents. Le dossier qui est proposé, composé de neuf contributions, permet de saisir toutes les subtilités de la situation et de se faire finalement une opinion optimiste sur cette classe de produits d’épargne pour peu que l’on soit capable de la faire évoluer.
De son côté, le dossier « L’assurance européenne dans la crise » est un exceptionnel descriptif des stratégies, des acteurs, des barrières qui limitent encore le marché unifié. Et enfin, l’évolution du dossier Solvabilité II, dont personne ne sait aujourd’hui ce qu’il adviendra, est un élément-clé. Au fond, ce numéro de Risques répond parfaitement à la période, aux défis qui nous attendent et aux évolutions que l’assurance doit opérer pour affirmer sa résilience.