Ce numéro de Risques est à la fois audacieux et particulièrement porteur de débat. Nous avons effectivement voulu nous lancer dans une prospective de ce que serait l’assurance dans les décennies à venir. Traditionnellement, nous essayons d’interpréter la réalité présente, de commenter les évolutions conjoncturelles et d’approfondir l’impact des décisions réglementaires – c’est dans cette revue que furent vraisemblablement le plus discutés les effets de Solvabilité II. Nous avons approfondi cette transformation profonde de nos métiers avec l’apparition de nouveaux risques.
Nous partons ici d’une hypothèse forte, celle d’ailleurs que développait Ulrich Beck en considérant que le risque était désormais la première des grilles de lecture à mettre en exergue pour comprendre l’évolution du monde. Il avait raison, mais vraisemblablement trop tôt. C’est aujourd’hui que nous sommes confrontés à des ruptures qui modifient radicalement l’évolution de nos sociétés. Qui aurait pu imaginer que dans les vingt ans qui viennent, les risques majeurs seraient ceux du réchauffement climatique, des pandémies, des cyberattaques, des conflits armés ? Et ce, non pas aux confins des empires traditionnels mais bien au cœur de nos sociétés ?
La plupart des transformations que nous allons connaître supposent l’émergence ou l’évolution des acteurs en charge de la protection des individus, donc en premier lieu des assureurs. Mais ceux-ci vont modifier leurs comportements et leur rôle sera magnifié par ce qu’ils portent. Ils portent dans leur mission première celle de la mise en confiance. Les assureurs seront évidemment au cœur de la transition environnementale ; en protégeant ce qui est assurable, ils seront en première ligne sur la transition démographique et notamment sur tous les effets du vieillissement de nos sociétés ; ils permettront la mise en œuvre de technologies numériques en agissant pour faire barrage aux dérives que celles-ci peuvent impliquer.
La première des difficultés auxquelles nous serons confrontés est l’importance majeure des financements que représentent ces transitions. Comment arriver à résoudre ce problème extrêmement difficile de trouver, dans les toutes prochaines années : une cinquantaine de milliards pour la décarbonation ; l’équivalent pour les retraites et la dépendance ; enfin, les montants astronomiques que supposent l’investissement dans l’IA. Tout ceci suppose des rééquilibrages intergénérationnels et entre qualifié et non qualifié dans notre société. Tout cela nécessitera des compromis fondés sur la confiance. C’est là où cette belle formule associée à l’assurance, « terre d’engagement », est si vraie : les années à venir nécessiteront toujours de fortes mutualisations, de fortes médiations, des formations très qualifiantes pour les métiers de l’assurance. Ce sont ces immenses défis que nous avons tenté de présenter ici, « Vive 2050 ».