La logique aurait voulu que cette rubrique sur le vieillissement précédât celle sur la réforme des retraites, publiée dans le précédent numéro de la revue. En effet, cette réforme est la conséquence directe du vieillissement de la population qui met en danger les régimes par répartition. Comment les financer lorsque la part des plus de 65 ans augmente inexorablement et que la durée moyenne d’une retraite, actuellement d’environ vingt-deux ans, va probablement s’allonger ? Il en va d’ailleurs de même avec les régimes par capitalisation, beaucoup moins pratiqués en France, dont l’équilibre à long terme repose sur une rentabilité croissante des placements pour faire face à ce vieillissement. Pire, ce vieillissement engendre une double peine. Non seulement, il affecte les régimes de retraite, mais en plus il impacte les régimes de sécurité sociale qui doivent faire face à une morbidité croissante avec l’âge, car l’augmentation de l’espérance de vie à la naissance, comme à 65 ans, ne s’accompagne pas d’une augmentation significative d’une espérance de vie en bonne santé. Il semblerait d’ailleurs que cette dernière plafonne. Certains pessimistes prévoient même sa diminution, ce qui alourdirait encore plus la charge des soins médico-hospitaliers et de dépendance dans les budgets des ménages et de la nation.
Les huit articles analysent tous ces aspects du vieillissement en France. Sophie Boissard présente toutes les données démographiques du grand âge. Surtout, son article montre l’importance du phénomène nouveau de la coexistence des seniors avec les générations plus jeunes. En 2030, il y aura plus de seniors de 65 ans que de jeunes de moins de 20 ans !
Le démographe Hervé Le Bras décrit un aspect moins spectaculaire du vieillissement, son inégale répartition spatiale. Certaines régions ou agglomérations vieillissent « bien » car elles sont bien dotées en personnel médical et en services de proximité pour les personnes âgées, d’autres « mal », les fameux « déserts » médicaux. Ainsi, à l’inégalité des retraites se superpose l’inégalité des services aux seniors.
Alain Villemeur pose le problème du financement en insistant sur l’emploi des seniors (déjà évoqué dans le dossier sur les retraites), la formation des jeunes et la prise en charge de la perte d’autonomie. Ce dernier sujet est au centre des deux articles suivants.
Mathieu Noguès analyse tous les paramètres de l’espérance de vie en bonne santé, dont nous avons signalé la faible augmentation comparée à celle de l’espérance de vie tout court. Il montre que les conséquences néfastes de la sédentarité et du stress au cours de la vie active peuvent être atténuées, voire supprimées par une pratique physique et une activité sociale après la cessation d’activité.
Stéphane Pénet, quant à lui, se penche sur le financement d’un aspect douloureux du grand âge : la dépendance. Malgré tous les progrès de la médecine et l’amélioration des conditions de vie, les personnes âgées, surtout au-delà de 85 ans, sont fréquemment dépendantes, soit à domicile avec l’aide d’aidants, familiaux ou pas, soit en EHPAD, ce qui pose le problème du financement de la dépendance. L’assurance dépendance pourrait pallier ce manque de financement si elle était généralisée à l’instar de la sécurité sociale.
Christine Abrossimov et Hélène Jacquemont traitent chacune un aspect particulier du grand âge. Pour la première, ce sont les chutes, responsables d’hospitalisations, voire de décès, mais aussi très souvent du début d’une dépendance. Chutes qui pourraient être diminuées par un aménagement du domicile des personnes âgées. Pour la seconde, c’est la maladie d’Alzheimer et plus généralement toutes les maladies dégénératives du cerveau et du système nerveux, pour lesquelles la science n’apporte pas encore de traitement. Seules la prévention et l’accompagnement des personnes souffrant de « troubles cognitifs » sont susceptibles, s’ils sont bien gérés et anticipés, d’en améliorer la charge pour les aidants comme pour la société en général.
Enfin, l’article de Thierry Pujol et Carlos Pardo aborde un sujet technique qui intéresse les seniors, le viager. Sachant que 75% des retraités sont propriétaires de leur logement, une situation patrimoniale qui répond à deux désirs, vieillir chez soi et compléter sa retraite par une capitalisation privée, le viager permet de financer une retraite ou des donations aux enfants ou le cas échéant une dépendance si elle survient à un âge pas trop avancé. L’article développe une approche purement financière qui corrige certains aspects « coutumiers » des pratiques des courtiers ou intermédiaires dans l’achat en viager.