Le mot « Risques », dans ce numéro, a une tonalité très particulière. En effet, nous sommes confrontés, nous le savons, à une situation qui nécessite à la fois d’imaginer et d’appréhender les risques à venir, mais également de se saisir de ceux qui déterminent, dès à présent, les conditions nouvelles de nos vies.
Pour l’avenir, on s’interroge sur les tensions géostratégiques, sur les évolutions macroéconomiques, notamment concernant la soutenabilité de la dette, et sur les bouleversements que vont connaître nos modes de consommation et de travail. Mais il y a également tout ce que nous vivons dès à présent : cette crise sanitaire qui n’en finit pas ; ces tensions inflationnistes dont on ne sait si elles sont temporaires ou définitives ; cette impuissance par rapport à des évolutions climatiques plus qu’inquiétantes. Le tableau paraît sombre, mais, comme toujours, notre avenir est entre nos mains. Pour surmonter ces difficultés il nous faut comprendre les évolutions de nos sociétés, prévoir ce que nous allons faire pour éviter les situations immaîtrisables. Tout cela dépend largement de nous.
Pour les économistes, dans l’analyse des évolutions du secteur de l’assurance, trois expressions vont s’imposer : la croissance potentielle, les trajectoires macroéconomiques, et les répartitions. Les deux premiers éléments soulignent notre besoin de faire croître à nouveau les gains de productivité et de gérer positivement les évolutions démographiques en cours. Les années pré-Covid avaient déjà marqué un ralentissement de la croissance mondiale, lié à la faiblesse de nos gains en matière d’efficacité économique et aux impacts plutôt contraignants des sociétés vieillissantes. Nous allons retrouver ces éléments lorsque nous aurons vaincu cette pandémie, ajoutés aux complexités nouvelles qu’auront développées ces deux dernières années dans nos modes de vie et de travail.
C’est la raison pour laquelle des répartitions nouvelles joueront un rôle majeur dans le souhait d’une croissance forte, durable et inclusive. Il s’agit de la répartition des revenus entre salaires et profits, de la répartition des ressources entre générations, de la répartition entre innovations créatrices d’emploi et innovations destructrices d’emploi, de la répartition entre consommation publique et consommation privée. Ce sont ces nouvelles répartitions qui vont permettre à la trajectoire de l’économie mondiale d’être positive. Or, tout est risque dans cette perspective, et notamment le financement des investissements qui seront nécessaires pour passer d’une période à une autre. Ce financement ne se fera évidemment pas sans une compréhension fine des risques encourus et des protections nécessaires à des individus soumis à de fortes transformations. C’est dire le rôle central que joueront les mécanismes d’assurance. C’est là tout l’objet de ce numéro : saisir partiellement les défis auxquels nous serons confrontés.
C’est ainsi que nous avons dialogué avec Véronique Weill à propos de l’évolution d’une grande société d’assurance vie. C’est également ainsi que nous avons analysé les principaux impacts de la pandémie sur l’assurance et que nous avons réfléchi au lien entre l’assurance chômage et le fonctionnement du marché du travail.
Certes, il reste encore bien des domaines à explorer, mais la méthode est là : comprendre comment on peut adapter la maîtrise de risques nouveaux aux mutations profondes à venir.
Jean-Hervé Lorenzi