Après des interventions chirurgicales sur le Code du travail et l’accès à l’université, le gouvernement se propose de réformer l’apprentissage, la formation professionnelle, et l’assurance chômage avec un seul projet déposé ce printemps par la ministre du Travail. Comme dans les dossiers précédents, cette intervention ciblée et résolue procède d’un diagnostic largement partagé et d’une volonté de remédier efficacement aux risques subis par les travailleurs. Six auteurs nous accompagnent dans la présentation de ce programme de sécurisation des parcours professionnels.
Thierry Vachier rappelle comment la pression de la concurrence et du progrès technologique accélère les transformations de l’emploi : la logique collective passive de défense des emplois n’est plus tenable, et il faut inventer une nouvelle logique, active et préventive qui permet à chacune et chacun de faire prévaloir son projet professionnel dans la durée. À la suite du rapport Davy, le compte personnel d’activité constitue le point de départ d’un compte social unique ; toutefois il semble que les personnes auront besoin d’être accompagnées pour mettre en œuvre ce type de dispositif qui va désormais garantir leurs nouveaux droits, y compris celui au développement professionnel.
Face à ce bel optimisme, Jean-Baptiste de Foucauld commence par rappeler que la meilleure manière d’assurer la sécurité des parcours, c’est de faire en sorte que l’emploi soit abondant et disponible. En dehors du plein emploi, les techniques de sécurisation des parcours ne peuvent réussir que si elles s’insèrent dans une véritable mobilisation de chacun et de tous, en particulier au profit des plus démunis. L’auteur conclut que le projet de sécurisation suppose un certain esprit de fraternité et ne permet pas d’en faire l’économie.
Face à ces difficultés, Hélène Garner fait le point sur les politiques publiques de sécurisation : elle rappelle l’inspiration communautaire et l’important travail législatif du quinquennat précédent, qui a conduit à l’instauration des comptes personnel de formation et d’activité. Le problème posé par ces avancées paraît double : d’une part les publics les plus vulnérables sont aussi les plus difficiles à atteindre, il faut concevoir pour eux un accompagnement efficace ; d’autre part, l’individualisation des droits dans ces comptes ne peut s’affranchir d’une régulation qui restreint de facto la liberté des personnes.
Les trois contributeurs suivants nous rappellent que l’État n’est pas le seul acteur des politiques publiques, ce qui permet évidemment de saisir les aspects concrets des transformations en cours.
Ainsi, Xavier Bertrand présente-t-il les dispositifs spécifiques de la région Hauts-de-France, dans une contribution qui montre la pertinence d’une politique menée au plus près des acteurs de terrain. L’efficacité opérationnelle ne se substitue pas pour autant à la vision d’ensemble : ce texte évoque aussi sans détour les insuffisances des politiques actuelles, et présente des principes pour guider l’action.
Olivier Faron, pour sa part, montre comment la sécurisation des parcours professionnels repose souvent davantage sur une mobilisation bien trouvée des différents dispositifs existants que sur la création ad hoc de nouveaux. C’est dans cet esprit qu’il a engagé la transformation du Conservatoire national des arts et métiers, premier acteur de la formation tout au long de la vie en France. Un événement symbolique, l’inauguration du nouveau guichet unique par la ministre du Travail en janvier 2018, témoigne de la transformation de l’approche des acteurs de la formation pour proposer une prise en charge globale du projet personnel.
C’est aussi le sujet dont se saisit Stéphane Junique : celui-ci montre comment les assurés sociaux ont généralement besoin de médiateurs pour activer la nouvelle protection flexible qui leur est proposée. Ces médiateurs doivent concourir à la prévention, c’est-à-dire à l’adoption de comportements responsables par les assurés, mais aussi à la solidarité pour que la personnalisation s’accompagne d’une réduction effective des inégalités. Les acteurs de l’économie solidaire et sociale, avec leur modèle non lucratif, paraissent particulièrement à même d’accompagner le déploiement des nouvelles opportunités de développement professionnel.