Pierre-Charles Pradier, Introduction au dossier
Thierry Vachier, D’un monde du savoir à un monde du risque…
Les transformations permanentes des entreprises sous les coups de boutoir technologiques, économiques et sociologiques génèrent de nouveaux risques de vulnérabilité des salariés. Le traditionnel équilibre « qualité du travail » et « maintien de l’emploi » est pulvérisé au profit d’une nouvelle donne, celle des trajectoires-parcours professionnels et d’employabilité. Dorénavant, c’est la personne en dehors de son statut qu’il convient de sécuriser plutôt que l’emploi. Mais comment concilier la liberté d’entreprendre de l’employeur et la liberté de travailler et de se développer professionnellement pour le salarié ? La France, jusqu’aux ordonnances de 2017, a essentiellement joué la carte de la sécurisation, sans pour autant oser reconnaître dans l’entreprise un droit au développement professionnel du salarié en fonction de son projet personnalisé. Poussé par les jeunes générations (75 % des salariés en 2025 seront nés entre 1980 et 2000 ), un autre pacte social reposant sur une relation sociale de donnant-donnant entre l’entreprise et ses salariés émerge doucement : une forme de liberté négociée et la consécration d’un arbitrage personnel tout au long de sa vie, par le biais d’un compte personnalisé de ses droits sociaux, portables, transférables, rechargeables, à abonder. Une évolution inéluctable où les assureurs auront aussi leur mot à dire !
Jean-Baptiste de Foucauld, Sécurisation des parcours, des exigences pour réussir
La sécurisation des parcours, pour être effective, ne peut être que la composante particulière d’une démarche globale. Elle doit respecter plusieurs conditions : éviter un désengagement de la collectivité vis-à-vis du plein-emploi et un report massif des responsabilités du chômage sur les personnes ; organiser parallèlement des formes appropriées de mobilisation collective pour l’emploi ; élever le niveau de la responsabilité sociale des entreprises ; organiser un accompagnement des personnes d’autant plus dense que le temps de recherche d’emploi s’allonge ; relier parcours professionnels et parcours de vie ; expérimenter des formes de sécurisation différentes de celle des droits de tirage sociaux. Et enfin, sécuriser en priorité les parcours des personnes qui en ont le plus besoin, et qui sont souvent, en fait, privées de parcours.
Hélène Garner, Des politiques publiques de sécurisation de l’emploi
Dans un contexte de mondialisation croissante, à défaut de protéger les emplois, depuis les années 2000, les pouvoirs publics ont privilégié la protection des personnes et la sécurisation des parcours professionnels (SPP), c’est-à-dire la sécurisation des transitions sur le marché du travail, entre deux emplois, entre emploi et chômage, entre études et emploi… Inspirée du droit communautaire, la voie retenue par les pouvoirs publics pour sécuriser les personnes a été de chercher à leur attacher des droits (sociaux, à la formation, à la qualification, à l’accompagnement, à la mobilité), de manière à leur donner les moyens de faire face aux aléas et risques du marché du travail . Cela se traduit du point de vue des politiques publiques par une plus grande responsabilisation des individus, censés ainsi devenir des « acteurs de leur parcours », et une plus grande individualisation des dispositifs afin de répondre de façon personnalisée aux besoins des personnes. Mais la sécurisation passe aussi par la construction de cadres collectifs qui garantissent ces droits et permettent leur exercice, sans quoi celle-ci ne profitera qu’aux mieux informés, aux plus éduqués et sera un vecteur d’inégalités accrues entre les actifs. Une tension apparaît alors entre l’autonomie portée par ces dispositifs et leur régulation sociale qui restreint de facto la liberté des personnes.
Xavier Bertrand, Les Hauts-de-France, pionniers des politiques de l’emploi
À l’aube de la troisième révolution industrielle, notre économie se transforme de manière exponentielle, au rythme effréné des progrès technologiques. Intelligence artificielle, techno-médecine, impression 3D, big data et autres méthodes d’apprentissage automatique : cette transformation accélère l’évolution des tâches et des métiers des Français au quotidien. En effet, selon le Conseil d’orientation pour l’emploi, ce phénomène général que l’on peut appeler « automatisation » a le potentiel de transformer la moitié des emplois existants, de manière significative, voire très importante. Quelles politiques de l’emploi devons-nous mettre en place pour répondre à ces nouveaux défis ?
Olivier Faron, Sécurisation des parcours professionnels : de la genèse à l’expérimentation au sein du Cnam
La notion de sécurisation des parcours professionnels constitue une réponse au besoin croissant des actifs d’être accompagnés lors de transitions professionnelles devenues plus fréquentes, voire inévitables en raison des mutations économiques. Mettre opérationnellement en œuvre la sécurisation des parcours professionnels convoque une pluralité de registres allant de l’ingénierie socio-pédagogique à la définition d’un cadre juridique idoine, en passant par la gestion des compétences au sein des opérateurs mobilisés. Cette sécurisation des parcours professionnels a vocation à s’incarner dans le cadre d’une articulation bien trouvée des offres de services existantes qui devront parfois être complétées. La contribution potentielle des organismes de formation à la sécurisation des parcours professionnels est cruciale. L’exemple du Cnam en atteste : mise en place de guichets uniques AIOA (accueil, information, orientation et accompagnement), modularisation des parcours d’accès à la certification, définition d’une fonction accompagnement, etc.
Stéphane Junique, Comment sécuriser les parcours professionnels ?
À l’heure où les mutations du travail et les bouleversements sociétaux constituent des lames de fond sans précédent dans l’émergence de parcours professionnels et de vie plus fragmentés, la manière d’imaginer leur sécurisation est une véritable gageure collective. Parler des parcours professionnels, c’est parler des parcours de vie. À la pluralité des parcours, doivent répondre non pas une, mais des protections sociales où la personnalisation des réponses et de l’accompagnement ne rime pas avec une individualisation de leur financement. Les acteurs à but non lucratifs conjuguent de nombreux atouts pour répondre à ces enjeux de manière durable et responsable.