Entretien réalisé par Pierre Bollon, Arnaud Chneiweiss, Jean-Hervé Lorenzi et Daniel Zajdenweber
Risques : Pouvez-vous brosser un rapide panorama de l’agriculture française ?
Xavier Beulin : Premier chiffre, cumulé agriculture-agroalimentaire, c’est une fourchette de 220 à 240 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel. C’est, en termes d’emploi cumulé – agrofourniture, production agricole, agroalimentaire, plus quelques services vraiment connectés directement (sans le transport) –, près 3,5 millions d’emplois (chiffre stable depuis les années 1960), c’est-à-dire 15 % des emplois en France, avec une approche territoriale très forte – les entreprises étant plutôt en milieu rural. Hélas, pour la première fois, le secteur pourrait perdre plusieurs milliers d’emplois cette année. Deuxième chiffre, la croissance de la demande alimentaire mondiale représente entre 2 et 3 points de PIB par an depuis plusieurs années. Pourtant, nous sommes en France plutôt sur un recul de 1 point à 1,5 point par an sur cette période. C’est une première difficulté. Non seulement nous ne gardons pas nos parts de marché mais nous en perdons. Nous ne captons donc pas ce surcroît de demande, ce qui est dommageable au redressement productif de la France. Troisième chiffre intéressant – en tout cas en valeur relative –, le solde net des exportations avec l’agroalimentaire, c’est à peu près 12 milliards d’euros par an. Malheureusement, nous étions numéro 2 sur le podium mondial il y a une douzaine d’années, nous sommes passés numéro 5, après les Pays-Bas, l’Allemagne et désormais le Brésil. C’est préoccupant. Nous perdons notre rang !
Puis vous avez d’autres indicateurs qui sont plutôt des indicateurs de compétitivité. Là-dessus nous souffrons également. Il y a la question de la réglementation. Il y a la question sociale. Je suis plutôt satisfait de voir que l’Allemagne, enfin, devrait se doter d’un salaire minimum. Parce que dans nos métiers – où vous avez un important pourcentage de main-d’œuvre –, c’est flagrant, on a des écarts, en ce moment même, de 4 à 6 euros de l’heure travaillée. C’est énorme !
Risques : Pouvez-vous détailler les freins à une meilleure performance économique et environnementale du secteur ?
Xavier Beulin : Nous avons travaillé pendant dix ans, avec l’appui d’experts comme Christian Saint-Etienne, sur une TVA emploi. Une idée nous semblait intéressante (que le Medef avait d’ailleurs ensuite reprise), c’était de dire : on ne peut pas uniquement faire du transfert sur la TVA. En tout cas ça ne peut pas être simplement une baisse par exemple des cotisations familiales avec un transfert sur la TVA. Il faut aussi que, notamment sur les salaires les plus modestes (jusqu’à x fois le smic), on redonne un peu de pouvoir d’achat, c’est une question de justice. Tout cela était calculé et on estimait que si on avait un impact par exemple en passant de 19,6 % à 21 % sur le taux normal, il fallait redonner à peu près 30 euros de pouvoir d’achat sur la feuille de salaire pour compenser l’augmentation de ce point ou ce point et demi de TVA. C’était possible, cela aurait permis de faire quelque chose de significatif. Le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), n’est pas au fond une mesure déterminante et significative pour notre secteur. Quand je regarde nos filières aujourd’hui, les grands bénéficiaires seront la grande distribution qui, parce que sa masse salariale est à peu près à 80 % dans la cible, va capter l’essentiel du CICE. Avaient-ils besoin de cela ?
Sur le plan environnemental, et sans décharger le secteur de toute responsabilité, on peut dire que la réglementation française devient extrêmement pesante, bien plus que ne l’impose la norme européenne, notamment en matière d’installations classées, de gestion de l’eau, des directives environnementales de tous genres. Si nous voulons être performants économiquement et environnementalement parlant, cela doit plutôt passer par de la recherche, de l’innovation et des technologies mises notamment à la disposition des agriculteurs. Or la loi d’avenir discutée en ce moment est un retour en arrière. Quand vous avez une loi d’avenir où les mots recherche, innovation, développement sont absents… C’est non pas retour vers le futur mais bien vers le passé !
Risques : La peur de l’innovation n’est-elle pas le résultat de l’application du principe de précaution au sens large ? Quels sont les champs de recherche et donc d’innovation en matière agricole ?
Xavier Beulin : Bien sûr. C’est un sujet sur lequel je me bats. Je souhaiterais que, dans la Constitution, un principe d’innovation soit adossé au principe de précaution pour rééquilibrer les choses, en particulier sur la sphère agricole. Pourquoi ? Parce que depuis le Grenelle de l’environnement (2007-2008), et son statu quo sur le nucléaire, l’agriculture est un peu devenue la cible des ONG, des milieux environnementalistes, etc., notamment sur la question des phytosanitaires, de l’agriculture dite « productiviste » – ce qui est un non-sens absolu parce que nous ne sommes pas dans une agriculture productiviste. Nous avons besoin aujourd’hui de performance, mais pas d’une performance idéologisée. C’est pour cela que nous nous battons pour ce principe d’innovation. Quand on parle aujourd’hui d’innovation appliquée à l’agriculture, l’opinion publique pense OGM, augmentation des rendements, dégradation de l’environnement, pollution… Ce n’est pas ça du tout. Nous devons lever cette ambiguïté.
Nous sommes un des secteurs qui utilisent le plus les technologies de l’information. C’est fabuleux ce qu’on fait aujourd’hui. Il faut voir l’équipement installé sur un tracteur. Grâce à l’informatique embarquée sur une moissonneuse-batteuse par exemple, on sait à l’endroit où on récolte, le potentiel de la parcelle, le rendement instantané, la qualité du blé qui tombe dans la trémie… On sait tout ça. Après, on recoupe ces données avec d’autres informations cartographiques. Et la troisième étape va consister, à partir de toutes ces données enregistrées, à aller sur une application par exemple de fertilisants pour la plante tenant compte du potentiel de la parcelle à l’endroit précis. Les capteurs installés sur les distributeurs d’engrais vont mettre la bonne dose pour la parcelle à tel endroit. Dans des régions très hétérogènes (je suis plutôt dans ces régions-là), à un bout de la parcelle vous avez un potentiel de 6 tonnes/hectare, à l’autre bout vous êtes à 8 tonnes/hectare. Ces nouvelles technologies permettent de doser parcelle par parcelle. Le pilotage de l’irrigation va devenir extrêmement précis également. Avant, on mettait tant de litres d’eau au mètre carré pour une plante, un maïs, une betterave ou autre. Maintenant on va piloter avec l’hydrométrie, avec les relevés de température, les besoins de la plante… C’est la même chose dans le domaine de l’élevage, de la viticulture, etc.
Risques : Comme toute activité économique, l’agriculture a des risques et des opportunités. Quels sont-ils ?
Xavier Beulin : Nous avons trois grandes catégories de risque : le risque climatique, le risque sanitaire et le risque financier (lié à la volatilité des cours).
Le risque climatique reste un des risques majeurs dans l’agriculture. Avec d’ailleurs une vraie corrélation – on peut le mesurer – avec les évolutions climatiques. Je ne sais pas s’il faut parler de réchauffement ou de dérèglement, mais on voit bien les impacts avec les effets excessifs de ces événements climatiques (grêle, tempête, etc.). Il y a la fréquence et l’intensité. D’ailleurs, en 2013 cela a été flagrant. On a démarré l’année avec des inondations jamais vues, notamment en vallée de Seine et dans le Sud de la France. Ensuite, on a eu des épisodes de grêle d’une violence inouïe. Et cela faisait suite à l’année 2011 où on avait eu une sécheresse quasiment historique, presque la sécheresse de 1976, en tous cas en termes d’impact économique.
Le risque sanitaire est beaucoup plus diffus. Il y a une réalité, sur les risques sanitaires, mais il y a en même temps un côté beaucoup plus subjectif. Je prends un exemple, ce n’était pas un risque sanitaire mais c’est devenu une affaire sanitaire : la fraude sur la viande de bœuf et la viande de cheval, ce qu’on a appelé le « horsegate ». On était manifestement sur une fraude, mais c’est devenu, par l’enchaînement médiatique, un nouveau risque sanitaire, après l’ESB et d’autres phénomènes. Et le sanitaire est aujourd’hui d’autant plus préoccupant que la réactivité du consommateur est décuplée par rapport au risque lui-même. On n’accepte plus aujourd’hui, dans un pays comme la France, le moindre risque sanitaire. Il faut du zéro défaut. Or on sait que dans le domaine du vivant ce n’est pas possible. C’est un des enjeux de la négociation bilatérale Europe – États-Unis actuellement en cours. On ne se bat plus sur les droits de douane, les contingents, etc. On se bat maintenant sur ce qu’on appelle le « non tarifaire ». Que sera demain la qualité alimentaire, aussi bien en termes de diversité mais surtout en termes de sûreté des aliments ? Avec deux conceptions radicalement différentes. Une conception plutôt européenne, beaucoup poussée par la France ou l’Italie, qui repose sur des cahiers des charges à tous les stades de la production jusqu’à la distribution. Et une vision très américaine où ce qui compte c’est l’aseptisation des produits – quelles que soient d’ailleurs les méthodes employées – ; c’est pour cela qu’on parle des « poulets javel » (les carcasses de poulet sont plongées dans des bains de chlore pour les aseptiser complètement, les rendre indemnes de germes, bactéries et autres). Voilà le choix !
Enfin, le troisième risque est peut-être plus nouveau. C’est la situation des marchés agricoles, en particulier la volatilité des cours. C’est le phénomène du « physiquement disponible » sur le marché. En août 2008, des incendies en Ukraine, en Russie, en Europe centrale, dévastent une grande partie de la récolte ; une sécheresse en Australie et une mauvaise récolte sur le continent américain. Le 8 août 2008, Poutine décide de fermer ses frontières aux exportations. Le blé augmente en deux jours de 30 euros, soit 15 %, et la hausse continue. Donc un premier phénomène physique. Deuxième phénomène, qu’on ne connaissait pas avant 2007-2008, c’est l’impact des marchés financiers sur les matières premières agricoles. L’extrême volatilité des marchés agricoles a déstabilisé complètement les économies (et certainement engendré les émeutes de la faim en Égypte, les Printemps arabes…). Il n’y avait aucune régulation financière à l’époque et on s’est aperçu que dix, douze, voire quinze opérateurs dans le monde pouvaient se payer une récolte. Or nous sommes sur des biens fondamentaux, essentiels. C’est ainsi que le G20 agricole a été créé, pour répondre à trois types de sujet. Premier sujet, une connaissance accrue des niveaux de production, de consommation et des stocks dans le monde. Deuxième sujet, la régulation financière. Quels mécanismes mettre en œuvre ? Le troisième sujet n’est pas réglé. Nous étions demandeurs d’un retour à un minimum de stocks stratégiques gérés par les États, ou par une forme de « gouvernance d’États » qui permettrait, en cas de forte tension, de tirer sur ces stocks pour diminuer la tension en question. Or aujourd’hui les stocks sont privés. Par exemple, l’Argentine a un taux de change très défavorable en ce moment. Ses fermiers ont également des problèmes d’expédition de leurs marchandises. Ceux qui le peuvent préfèrent donc stocker plutôt que vendre. La Thaïlande est un exemple intéressant aussi. Même période (2007-2008-2009), voyant que la position des Russes, qui avait fait monter le prix du blé, avait fonctionné, la Thaïlande a fait la même chose, alors qu’il n’y avait pas du tout de problème sur la production de riz. Elle a fermé ses exportations, en instaurant une taxe. Et le prix du riz a augmenté de la même manière.
Risques : Faut-il une nouvelle réglementation ? L’assurance peut-elle jouer un rôle ?
Xavier Beulin : Il y a deux niveaux. Le niveau macroéconomique, du ressort des États, qui doivent mettre en place une réglementation – ne serait-ce que, par exemple, pour limiter le nombre d’options ou de positions par opérateur et connaître l’identité de ces opérateurs. Au niveau de l’exploitation agricole et plus globalement de la filière, il nous semble qu’il faut développer le système assuranciel. Ce sera l’enjeu de la PAC d’après 2020. Les États-Unis sont en avance. Ils laissent faire le marché mais donnent à l’agriculteur la capacité de pouvoir en toutes circonstances maintenir ou garantir un revenu. Dans leur système, une grande partie des primes d’assurance est supportée par la puissance publique. Les agriculteurs et l’Administration essaient de se mettre d’accord sur des indicateurs, et à partir de là, ils compensent via le système assuranciel. Ce peut être intelligent comme démarche.
En Europe, il y a deux pays qui sont plus en pointe sur ces sujets-là : c’est l’Espagne et, plus modestement, la France. Les autres préfèrent conserver le système de PAC actuel. Je suis plus réservé sur la PAC car l’idée c’est d’arriver progressivement à un même niveau de paiement à l’hectare pour tous les hectares européens. Ce jour-là, la PAC n’aura plus aucun intérêt. Par contre, il faudrait anticiper et travailler à des systèmes assuranciels pour améliorer et amener une autre clé de lecture sur le rôle que pourrait jouer une politique publique comme la PAC, au regard d’aléas. Il s’agirait de s’affranchir à la fois du risque climatique, sanitaire ou autre. Cela devient un risque économique. Et quelle que soit la cause, que ce soit pour une raison climatique, sanitaire, de marché ou autre, on évite d’avoir des situations ingérables certaines années quand il y a un aléa ou une situation économique très dégradée. Ce serait plutôt de l’assurance de type marge ou revenu. Aujourd’hui on est plutôt sur un système d’assurance récolte, qui marche plus ou moins bien d’ailleurs, parce qu’il n’y a que 60 000 agriculteurs en France qui souscrivent une assurance récolte, sur 350 000 ou 400 000 exploitations ; ce qui est peu.
A la demande du ministère de l’Économie, nous essayons de réunir un pool d’assureurs pour retravailler ces questions d’assurance agricole, en étudiant ce qui se fait dans les pays où ces assureurs sont présents. Avec une double condition : que la CCR joue le jeu et que dans notre camp, nous soyons capables de faire accepter par les agriculteurs que demain on oriente une partie de leur soutien, aujourd’hui sous forme de paiement/hectare par la PAC, vers un fonds assuranciel, et donc rendre l’assurance obligatoire.
Risques : Nous devrions être 9 milliards d’habitants en 2050. Comment va-t-on les nourrir ? Quels sont les produits de l’avenir ?
Xavier Beulin : Le grand défi des trente prochaines années va être celui des protéines. Il va y avoir un grand déficit de protéines que l’on peut résoudre de deux manières. La première est classique : il faut de nouvelles terres, il faut des agricultures au Sud qui soient plus performantes, il faut améliorer les rendements, etc. L’autre voie, encore dérangeante aujourd’hui, c’est de se dire qu’on va peut-être être obligés de changer d’alimentation. C’est d’ailleurs ce qui génère la croissance de la demande actuelle. Elle est liée à la démographie, mais elle est surtout liée au pouvoir d’achat et au niveau de vie des pays émergents. Quand vous consommez aujourd’hui une céréale en l’état, en équivalent protéine, 1 fait toujours 1. Quand vous commencez à consommer la même valeur en protéine en viande blanche, il faut 2,5 à 3 protéines végétales pour avoir la même équivalence en viande blanche. Il en faut 7 pour du bœuf. Je prends l’exemple chinois. Je ne sais pas si mes chiffres sont exacts, mais on dit que 150 millions de Chinois ont un pouvoir d’achat à peu près équivalent à celui d’un Européen moyen. Si demain c’est 250 ou 300 millions, là on ne multiplie pas simplement démographiquement, on multiplie par 3, par 5, par 7 les mêmes équivalences. Je pense qu’on retournera à une consommation de protéines végétales plus importante qu’elle ne l’est aujourd’hui dans nos propres rations. C’est inéluctable, même si rien ne remplacera une bonne entrecôte !
En matière de biocarburants, de biochimie, nous travaillons à une deuxième génération qui permettrait de passer de la biomasse brute à du gasoil, du kérosène. Nous croyons beaucoup à la filière kérosène parce qu’on ne fera jamais voler des avions avec de l’hydrogène embarqué. Mais la vraie révolution, c’est la troisième génération, c’est-à-dire l’algoculture (la culture des algues). Ces algues permettront de produire de la protéine, de l’huile, des tensioactifs… C’est l’avenir. Sofiprotéol soutient plusieurs start-up dans ce domaine. Ça avance assez vite. Il y a des voies de progrès très importantes.
Risques : Peut-on évoquer la Politique agricole commune pour 2014-2020 ?
Xavier Beulin : Le budget a été renouvelé pour la période, inférieur à ce qu’il était avant, mais la France ne s’en sort pas si mal. Ensuite, le soutien aux filières animales va être accru, donc évidemment aux dépens des filières végétales. C’est un débat vif en France.
Enfin, et nous sommes plus modérés, notre ministre souhaite nous orienter vers ce qu’on appelle de la redistribution ou de la surdotation sur les premiers hectares, considérant qu’il faut favoriser les petites exploitations. A l’échelle de l’Europe aujourd’hui, une Europe à vingt-huit, on va se mesurer avec de nouveaux entrants dans l’Union européenne sur des surfaces de 500, 1 000, 2 000, 3 000 hectares, des étables qui vont être sur 200, 300, 400 vaches laitières. Ce n’est absolument pas ce modèle qu’on souhaite en France, mais il faut faire attention. Nos compétiteurs aujourd’hui ne sont plus transatlantiques ou océaniens (sur le lait), mais ils sont à nos portes. Ils s’appellent Allemands, ils s’appellent Danois, Espagnols. Ils s’appelleront demain Polonais, Hongrois, etc. C’est ça le vrai enjeu, et là il y a une forme de décrochage de la France qui n’est pas satisfaisant du tout. J’ai utilisé le terme de risque de « déprofessionnalisation de l’agriculture », ce n’est pas très heureux mais je le pense vraiment.
Risques : Les coopératives dans l’agroalimentaire marchent bien. Croyez-vous que cela va se développer ? Comment voyez-vous l’avenir ?
Xavier Beulin : Il faut être plus nuancé. Le pôle végétal en France a su constituer des leaders mondiaux. On a des numéros un dans l’amidon, le malt, le sucre et dans les huiles. Dans le lait, on a également des leaders mondiaux. Lactalis, Danone, Bongrain, Sodiaal, voilà quatre entreprises de taille internationale. Ensuite, il y a un décrochage dans les filières porc, volaille, bœuf même, fruits et légumes. Là, il y a des restructurations à faire. La viticulture est un cas à part. C’est dans le pôle végétal que les coopératives sont les plus présentes, les plus actives en tout cas. Le monde végétal a toujours été très stratégique et s’est largement structuré et internationalisé. En ce qui concerne la viticulture, il va falloir à nouveau bouger. L’Espagne est en train de nous devancer. Il y a les grands crus et les autres. L’exemple du Languedoc-Roussillon est intéressant : de bons produits et une politique marketing extrêmement percutante.
L’avenir, et je me bats beaucoup sur cette question, c’est comment « décloisonner » les métiers tout au long de la chaîne alimentaire ? Nous souffrons en particulier d’une relation très dégradée avec les grandes enseignes de la distribution. C’est un des secteurs en France qui est à la fois un identifiant et plutôt un pôle d’excellence (je parle de la filière alimentaire), où l’on devrait plutôt chasser en meute. On ne fait pas ça. On détruit de la valeur tous les jours, à cause d’une guerre entre les enseignes et trop de mètres carrés. C’est un secteur hyperconcurrentiel, sur l’alimentaire en particulier qui reste le produit d’appel. Des enseignes comme Carrefour, Auchan, présentes à l’international, pourraient ainsi favoriser beaucoup plus le « made in France ». Il faut jouer collectif, c’est l’exemple allemand.
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