Pour les économistes, l’un des sujets les plus fascinants est celui des relations entre l’existence d’un système assuranciel développé et le niveau du développement économique. En réalité, pour eux, la relation est double. D’abord, plus une société est développée, plus elle a tendance à protéger ses acteurs de tous risques assurables. Ensuite, et c’est cela qui importe le plus, l’assurance est quasiment un facteur de production, un peu comme le progrès technique. Sans aucun doute, elle facilite la croissance simplement par son aptitude à créer de la confiance, de la capacité d’innovation et bien évidemment de la prise de risques. Tout cela apparaît comme une quasi-évidence, même si les travaux académiques sont moins conclusifs qu’on pourrait l’imaginer. Et on s’aperçoit surtout que cette relation si vertueuse dépend fondamentalement du secteur d’activité étudié et du pays ou du groupe de pays concernés.
Ce numéro apporte sa contribution de manière indirecte à ce thème si important, en proposant des éléments d’analyse sur deux des secteurs majeurs de la croissance. Le premier, l’agriculture, au cœur de l’interview de Xavier Beulin, montre combien l’acte de production est facilité par l’acte de protection. Et plus encore, le dossier « Risques et solutions » sur la sécurité alimentaire nous rappelle, à travers neuf contributions, à quel point l’assurance est essentielle au développement de ce secteur d’activité. Produire et gérer le risque – et plus particulièrement celui qui concerne la consommation dans les pays développés –, voilà l’objet de la réflexion. Et voilà la mise en lumière d’une articulation quasi parfaite entre l’offre et la demande, constatée ici comme on pourrait le faire dans bien d’autres domaines d’activité.
Mais là où la relation se fait plus subtile, plus complexe, c’est au niveau de la réalité d’une mondialisation du secteur de l’assurance, thème de notre dossier « Analyses et défis ». Nos différents auteurs abordent le sujet avec beaucoup d’audace et de réalisme. La mondialisation est-elle souhaitable ? Est-elle réaliste ? Est-elle favorable à l’activité dans le secteur proprement dit, comme dans les effets externes qu’elle a sur le reste de l’économie ? La réponse générale est évidemment positive, mais rappelle la réalité des cultures nationales et le besoin de proximité. Oui, l’assurance en se globalisant renforce la croissance mondiale, mais il faut là aussi prendre en compte ce que sont nos sociétés, très attachées à leurs spécificités et à leur caractère unique. D’une certaine manière, ce secteur est une parfaite illustration des contradictions de notre monde, si heureux de voir les frontières s’effacer et si désireux de les voir souvent maintenues.
Le dernier point fort de ce numéro, c’est la retranscription de l’un des débats que Risques organise désormais régulièrement, et qui réunissait des dirigeants du secteur pour parler de développement durable. Il n’est pas surprenant de voir que la responsabilité sociale de l’entreprise est au cœur des préoccupations de tous, et les propositions des différents intervenants montrent à quel point l’image traditionnelle de l’assurance se révèle bien inexacte et dépassée.