Depuis l’Antiquité, la pratique des sports professionnels a toujours tenu une place fondamentale dans l’organisation des sociétés. Pourtant, les dernières décennies ont vu une formidable explosion de la dimension financière de ces activités : salaires de sportifs, droits de retransmission, couverture des médias ont tous subi une inflation extraordinaire. C’est dans ce contexte mouvant que la revue Risques a choisi d’analyser les différentes facettes de l’économie du sport : risques financiers liés au sport, rapport entre performance et gestion des risques, dopage.
Les activités liées au sport professionnel sont par nature parmi les plus risquées : risque physique, risque économique, risque de dégradation de la santé par des pratiques déviantes ; cette exposition aux risques tient compte autant de l’intensité des sports que de leur nombre. Dans ces activités, le risque financier est intimement lié au caractère aléatoire du résultat sportif qui n’est que peu gérable mais qui constitue la principale raison de l’intérêt du public. Sur la performance elle-même, nous noterons que les performances sportives exceptionnelles ne peuvent exister sans une prise de risque extrême (les compétitions automobiles ou le ski en sont une parfaite illustration). Enfin, le comportement des acteurs (sportifs, familles de sportifs, entraîneurs) face au risque peut laisser l’observateur perplexe : certaines prises de risques (pouvant engendrer des accidents avec pour conséquence des dégradations durables de la santé) sont en effet difficilement explicables par une approche rationnelle. L’homo sportivus semble soumis à une logique qui lui est propre et qui correspond à un système de valeurs façonné par son milieu et par une quête de l’estime de soi.
Les deux articles qui ouvrent cette rubrique analysent les risques financiers créés par ce qu’on appelle communément la « glorieuse incertitude du sport », c’est-à-dire par le caractère aléatoire du résultat sportif. Wladimir Andreff fait le constat que c’est précisément l’incertitude du résultat sportif qui explique l’intérêt du public et des médias et, par voie de conséquence, l’apport de financement important ; puis il examine comment ces risques financiers sont gérés – parfois partiellement ou de façon imparfaite – par les sportifs, les clubs et les ligues sportives. Dans le second article, Daniel Zajdenweber s’appuie sur le déroulé de deux coupes du monde et sur un modèle probabiliste pour montrer comment évolue la valeur marchande des sportifs et des équipes au cours d’une compétition. Il explique ainsi comment l’espoir de gain, qui est fortement croissant en cas de succès répétés, incite les sportifs à accepter les risques inhérents à la pratique du sport professionnel.
Dominique Jacquet et Jocelyne Pagliano montrent comment la formation d’un joueur de football peut s’apparenter au déroulement d’un projet de recherche & développement. Cette comparaison est riche d’enseignement, même si les auteurs sont confrontés à la difficulté de mettre en place des méthodes d’évaluation robustes et explicatives.
Deux articles traitent du dopage sportif et des questions qu’il pose. Dans un premier temps, Jean-François Bourg analyse le sujet sous deux angles complémentaires. D’une part, les conduites dopantes s’expliquent par une approche économique classique qui consiste à comparer les bénéfices obtenus par le dopage (gains financiers, notoriété) et les risques encourus (coût du dopage, sanctions, risques pour la santé). Mais cet article montre d’autre part que les comportements de l’homo sportivus ne peuvent s’expliquer qu’en prenant également en compte des aspects immatériels liés au milieu sportif : rapport à la performance et recherche de l’estime de soi. L’article de Ronan Coquet et Fabien Ohl illustre parfaitement cette dimension en apparence irrationnelle de certaines pratiques dopantes : il explore la gestion des risques dans le domaine du bodybuilding, où les pratiquants prennent des risques réels et connus pour leur santé, et ceci sans réelle justification économique.
L’article de Patrick Vajda examine comment sont gérés les risques liés aux grands événements sportifs comme les jeux Olympiques. Il souligne l’importance d’une étude précise et détaillée des risques, qui doit se faire en amont de l’événement et bien avant la souscription des contrats d’assurance, et qui doit être relayée, pendant l’épreuve, par un système de management en temps réel des incidents, accidents et sinistres.
Enfin, notre rubrique se clôt avec l’article d’André Renaudin qui traite du sponsoring sportif et de son intérêt pour les entreprises du secteur de l’assurance. Paradoxalement, en apparence, le sponsoring sportif est menacé par une évolution du sport lui-même, qui se traduit par la prédominance de la dimension économique et l’assimilation du sport à une marchandise au détriment des valeurs qu’il représente.