Jamais, depuis des décennies, le monde n’a été confronté à une telle incertitude macroéconomique. En conséquence, les politiques économiques se doivent à la fois de surmonter une gigantesque crise de l’endettement, public en Europe, privé aux États-Unis, mais également d’inventer, de développer et de financer l’économie du XXIe siècle. Pourquoi ? Tout d’abord, parce que les pays émergents auront à créer les conditions d’une économie de consommation, désormais ouverte à des centaines de millions de femmes et d’hommes appartenant à de gigantesques classes moyenne en voie de constitution. Cela signifie qu’il faudra leur fournir tous les biens publics et notamment les infrastructures qui leur font aujourd’hui cruellement défaut. D’un autre côté, les pays de l’OCDE ont, eux, à développer des secteurs d’activité nouveaux destinés à se substituer aux 10 % d’activités transférées depuis dix ans vers les pays émergents. Tout cela nécessite une épargne très importante, ce qui entraînera le principal changement que l’économie mondiale connaîtra dans les années qui viennent, à savoir une relative rareté de cette épargne, alors que jusqu’à présent la situation inverse prévalait. Les politiques économiques se heurteront donc aux extrêmes complexités liées aux modes de financement tant qualitatif que quantitatif. En conclusion, l’épargne et sa mobilisation deviendront, selon toute vraisemblance, les variables clés du succès ou de l’échec de la sortie de crise.
C’est dire si ce numéro de la revue Risques est au cœur des interrogations des économistes, mais peut-être encore plus de celles des assureurs. En effet, ce numéro est consacré aux nouveaux défis auxquels devront répondre les assureurs, désormais acteurs centraux de la reprise de l’activité mondiale. Tout d’abord, ils subissent – le mot n’est pas trop fort – les nouvelles règles prudentielles de Solvabilité II, et ils doivent par ailleurs essayer d’appréhender, de comprendre et de limiter l’aversion au risque qui caractérise tant la période que nous vivons.
Il n’y a certes pas de réponse définitive à ces difficiles questions théoriques et empiriques. Mais l’ambition de ce numéro est de signaler à quel point la connaissance des conséquences de Solvabilité II et de l’aversion renforcée au risque reste encore incomplète, et de souligner la nécessité de continuer à débattre de ces questions, de manière à favoriser la croissance tout en maîtrisant les risques. Espérons que cette mission aura été pour partie remplie.