Entretien réalisé par Jean-Hervé Lorenzi et François-Xavier Albouy
Risques : La première question porte sur le statut très particulier du COR, pôle d’expertise mis à la disposition des intervenants sur la réforme des retraites pour fournir des données et des analyses qui ne seraient pas sujettes à discussion. Le COR est un instrument assez insolite dans le débat public…
Raphaël Hadas-Lebel : Sinon insolite, du moins assez original. En quoi l’existence du COR constitue-t-elle un progrès pour le débat public ? Il est exact que le COR, qui est né en 2000, est considéré d’une manière générale comme étant un succès, ce qui n’était pas évident au moment de sa création. Nous allons célébrer dans quelques semaines, à l’occasion d’un colloque qui aura lieu le 18 novembre, les dix ans du COR, et nous allons réfléchir avec rigueur et sans complaisance sur les apports de cette structure à la réflexion en ce qui concerne les retraites. Mais d’ores et déjà je peux dire que plusieurs de ses caractéristiques sont incontestablement un facteur de progrès.
Première caractéristique : c’est une structure permanente. À la différence du système antérieur, qui était ponctué de rapports que l’on rangeait souvent dans les tiroirs, nous avons ici une institution qui bénéficie de la continuité et qui permet donc d’avoir un regard continu et approfondi sur les perspectives des retraites.
Risques : Combien le COR compte-t-il de collaborateurs ?
Raphaël Hadas-Lebel : C’est une toute petite structure. Le secrétariat général ne comprend que neuf permanents. Il faut distinguer cette structure administrative du collège proprement dit, qui est lui formé de trente-neuf personnes comprenant les partenaires sociaux, des représentants patronaux, des représentants syndicaux (de tous les syndicats : les cinq traditionnels, mais aussi d’autres comme l’Unsa, la FSU et les syndicats agricoles), des représentants des administrations compétentes, des experts indépendants (au nombre de six) et, last but not least, des parlementaires, de la majorité et de l’opposition, de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Il s’agit donc d’un organisme – c’est sa deuxième caractéristique – pluraliste. Les points de vue de chacun ne sont pas toujours convergents, mais on essaie, à l’occasion du débat, de décanter des positions, de faciliter les discussions, parfois de parvenir à un constat partagé (cela arrive, au moins sur les diagnostics), d’étudier les différentes pistes envisageables et, si possible, de trouver des éléments de consensus. Cette diversité est un élément positif, dès lors qu’on sait faire travailler ensemble des gens d’avis différents.
Troisième caractéristique : la réflexion du COR se situe sur le long terme, ce qui est normal s’agissant de la retraite. Elle essaie donc d’échapper aux contraintes de l’urgence. D’où l’intérêt de travaux de projection qui ont pour horizon les années 2020 et 2050.
Enfin, la qualité technique des rapports du COR, généralement reconnue, est due au travail de la petite équipe qui m’entoure, qui ne fonctionne pas en vase clos, mais travaille en liaison avec les différentes caisses de retraite et les administrations compétentes.
La contrepartie de notre composition diversifiée, c’est qu’il est parfois difficile de se mettre d’accord sur des propositions univoques de solutions. On ne peut pas demander au COR, par exemple, d’adopter une position commune sur les questions liées au décalage des bornes d’âge. En revanche, ce qu’on a réussi à faire, c’est évaluer de façon fiable les besoins de financement à moyen et long terme, et analyser différentes pistes parmi lesquelles il appartient ensuite aux décideurs et aux partenaires sociaux de choisir. Peut-on aller plus loin dans les préconisations du COR ? Cela impliquerait un plus grand consensus social et politique que celui que nous connaissons actuellement.
Le projet de loi discuté au Parlement prévoit la création d’un Comité de pilotage des retraites permettant d’élaborer éventuellement certaines mesures correctrices en cas de dérive financière. Il ne pourra être efficace que si sa composition permet effectivement de dégager un accord sur des propositions de solutions.
Risques : Par qui sont nommés les six experts indépendants ?
Raphaël Hadas-Lebel : Par le Premier ministre, en tenant compte de nos propositions. Nous veillons à ce qu’ils soient incontestables. C’est le cas aujourd’hui, avec des personnalités telles que Jean-Michel Charpin, Raoul Briet, Martine Durand, qui a apporté sa connaissance des pays membres de l’OCDE, Philippe Vivien, directeur du personnel d’Areva et président de l’Agirc, et les économistes Didier Blanchet et Serge Volkoff.
Risques : Comment le COR a-t-il préparé le rendez-vous de 2010 ?
Raphaël Hadas-Lebel : La préparation du rendez-vous de 2010 a pris un an et demi, parce que le COR a examiné à peu près tous les aspects du sujet.
Nous avons commencé d’ailleurs, de manière paradoxale, par la réforme dite systémique. Après un travail de près d’une année, le COR a rendu, en janvier dernier, un rapport à la demande du Parlement, sur les questions soulevées par une éventuelle réforme systémique et sur des modalités de mise en œuvre. Bien entendu, ce rapport ne comportait aucune position de principe pour ou contre une telle réforme car, sur ce point, il n’y avait pas accord au sein du Conseil, seul un syndicat ayant manifesté un certain intérêt pour une réforme systémique. Après avoir présenté un état des lieux du système actuel, nous avons décrit les caractéristiques de chaque système – régime en points ou en comptes notionnels –, les avantages et les inconvénients de chacun, les conditions préalables à satisfaire, les précautions à prendre et les transitions à ménager. Le rapport montre qu’un changement de système est techniquement possible, qu’il permet même d’inclure des éléments de solidarité, mais qu’il soulèverait des problèmes évidents de mise en oeuvre et nécessiterait au préalable des choix politiques ayant trait notamment à l’architecture du système de retraite. Si un jour l’on veut s’orienter vers un changement de système, ce 7e rapport du COR sera alors incontournable.
En second lieu, nous avons travaillé en nous situant dans le cadre du système actuel ; d’une part, en évaluant les besoins de financement du système de retraite en fonction de divers scénarios économiques prenant en compte les effets de la crise (c’était en avril) ; d’autre part, en effectuant des simulations sur les effets de diverses mesures, notamment celles qui touchent à la hausse de la durée d’assurance et au décalage des bornes d’âge. Certains organismes syndicaux n’étaient pas favorables par principe à ce que nous simulions certaines hypothèses. Ils ont toutefois admis que dans le cadre, non pas d’un rapport du COR, mais d’un dossier publié (en mai) sous ma responsabilité, nous fassions ces simulations, qui ont été utiles pour donner des ordres de grandeur sur les effets de diverses hypothèses de déplacement des bornes d’âge ou d’allongement de la durée d’assurance. Ainsi avons-nous apporté au gouvernement et aux partenaires sociaux des éléments d’appréciation pour la préparation d’une réforme. Je constate qu’aucune des organisations représentées au COR n’a contesté la validité des chiffrages qui ont été faits. Il y a eu des interprétations et des réactions contrastées sur tel choix politique, mais c’est là un autre sujet.
Risques : Comment les études sur les âges de départ ont-elles été accueillies ?
Raphaël Hadas-Lebel : Certains membres demandaient telles simulations, d’autres les refusaient. Quelques fuites dans la presse ont donné à tort le sentiment que les hypothèses étudiées étaient déjà des mesures décidées. Une solution a finalement été trouvée, qui a permis à chacun de voir ses priorités respectées. Il n’est pas nécessaire que tous les membres soient absolument d’accord sur tout. Ma tâche est de veiller à formuler des positions qui, même à défaut de consensus, puissent faire avancer la réflexion.
Risques : Le premier rapport du COR a servi de cadrage à la réforme de 2003. Qu’est-ce qui a bougé depuis ?
Raphaël Hadas-Lebel : La réforme de 2003 prévoyait des rendez-vous périodiques – le premier en 2008 –, pour examiner la situation du système de retraite. Le principal élément nouveau qui est intervenu depuis, c’est la crise économique et financière, dont les conséquences ont aggravé les effets déjà connus du choc démographique que nous devons affronter.
Risques : Le seul reproche qu’un regard extérieur d’économiste puisse faire, c’est que la partie purement fiscale soit moins traitée que les hypothèses démographiques.
Raphaël Hadas-Lebel : Dans les deux documents que nous avons rendu publics (le 14 avril pour les évaluations du besoin de financement et le 15 mai pour les simulations) ont été présentés tous les éléments du besoin de financement, tous régimes de retraite confondus. Le 8e rapport du 14 avril présente notamment ce que nous appelons l’abaque associé aux projections. Et l’abaque du COR donne des éléments d’information sur la mise en œuvre des trois leviers permettant d’équilibrer un système de retraite en répartition, à savoir l’âge effectif moyen de départ à la retraite, mais également le niveau relatif des pensions et le niveau des ressources du système. On n’est pas entré dans le détail du financement – nous ne sommes pas compétents pour traiter de la politique fiscale –, mais on a examiné les trois modalités possibles : celle qui consiste à transférer des ressources d’un système à l’autre, par exemple compenser une hausse des cotisations retraite par une baisse des cotisations de l’Unedic ; celle qui consiste à augmenter les cotisations, mais reste à savoir qui du salarié ou de l’entreprise en supportera la charge ; enfin, celle qui consiste à rechercher d’autres sources de financement, y compris budgétaires, l’affectation de ressources budgétaires se justifiant davantage pour la partie des prestations ayant un caractère de solidarité.
Risques : Qu’y a-t-il de si épineux dans la question des retraites ?
Raphaël Hadas-Lebel : Plusieurs éléments expliquent le caractère sensible du dossier des retraites. En premier lieu, chaque Français est concerné sur un plan personnel, et la période en cause – parfois regardée comme lointaine, celle des dernières années de la vie – est vouée à être de plus en plus longue et suscite donc des interrogations.
Le rapport entre générations est par ailleurs au cœur du débat sur les retraites, dès lors que la France a fait le choix d’un système par répartition par lequel les générations en activité financent les retraites des générations qui ne le sont plus. On a en outre le sentiment que bien des facteurs exogènes ont une influence directe sur le niveau actuel et futur des retraites : la croissance, l’emploi, l’endettement. Une retraite qui n’est pas financée accroît encore l’endettement. Pourquoi la question n’a-t-elle pas pu être résolue jusqu’ici ?
On assiste, depuis 2006, à un choc démographique, qui était anticipé, mais qui est extrêmement significatif. Il résulte de la conjugaison de deux facteurs que l’on confond généralement : un facteur de très long terme, l’allongement régulier de l’espérance de vie, et un facteur plus spécifique, le phénomène du papy-boom, qui a commencé en 2006 et va se poursuivre jusqu’en 2035, et qui entraîne une hausse de l’ordre de 50 % du nombre des personnes partant à la retraite chaque année. Cette conjonction crée un changement fondamental des règles du jeu, auquel s’est ajoutée depuis deux ans une crise dont on ne sait pas encore si les effets seront temporaires ou durables.
Risques : Il existe un rapport de l’administration datant de 1962, prévoyant un choc démographique, et recommandant que les régimes accumulent des réserves…
Raphaël Hadas-Lebel : Bien sûr, tout cela était prévisible, du moins en partie, et nous aurions pu faire comme les Suédois, c’est-à-dire accumuler des réserves pour le système de retraite. Avons-nous joué les cigales ? Nous n’avions pas de problème majeur pour financer notre système de retraite, quand le rapport d’effectifs de cotisant à retraité était de 3 à 1 et que la durée prévisible de la retraite était de cinq ou six ans, alors qu’elle est aujourd’hui de vingt à vingt-cinq ans. En 2003 encore, la situation de la Cnav était plutôt équilibrée. Le déficit n’a été visible qu’à partir de 2006, à l’arrivée des cohortes nombreuses partant à la retraite.
Risques : Ce qu’on savait dès 1982, où il y avait eu un rapport du Plan.
Ce qui est très intéressant, c’est que le COR, dans ses rapports, se comporte en juge de paix.
Raphaël Hadas-Lebel : C’est un juge de paix, si l’on veut, pour ce qui concerne les projections qu’il élabore et les pistes qu’il explore, dans la mesure où ses analyses et ses chiffrages sont généralement reconnus comme fiables et peuvent servir de base crédible au débat public. Pour le reste, il appartient à chacun de se déterminer en fonction de ses propres options et de ses propres priorités.
Risques : Le système suédois a un atout : il neutralise le problème de l’âge.
Raphaël Hadas-Lebel : Le système suédois est d’une grande cohérence. L’âge d’ouverture (61 ans) ne joue qu’un rôle secondaire. Le principe central du système suédois de « comptes notionnels » est que l’on prend sa retraite quand on veut, mais plus on la prend tôt, plus la retraite est modeste, par application d’un coefficient de conversion, qui fonctionne comme un système automatique de décote (ou de surcote si l’on poursuit son activité). Le montant de la retraite est également fonction de la durée prévisible de cette retraite, déterminée par l’espérance de vie moyenne à la retraite de chaque génération, et cela sans distinction de sexe, de classe ou de métier. Un système de régulation supplémentaire mis en place en 2000 peut aussi parfois affecter le niveau des retraites. En revanche, le taux de cotisation du système public de retraite est toujours a priori de 18,5 %. Ce système, qui est préconisé par certains économistes français comme Thomas Piketty et Antoine Bozio, a de grandes capacités d’autorégulation, même si l’équilibre instantané n’est pas toujours obtenu, ce qui suppose l’existence de réserves. Il suppose aussi de s’interroger sur l’architecture du système de retraite, notamment sur le rapprochement, voire la fusion, entre les régimes de retraite du secteur privé et de la fonction publique. Le COR a bien analysé tous ces aspects, même si des divergences existent entre ses membres sur les choix à effectuer.
Risques : Cela dit, le COR fait un bon travail. Certains critiquent le rôle déterminant des intervenants syndicaux et patronaux, mais il se trouve que c’est la règle du jeu.
Raphaël Hadas-Lebel : C’est en effet la règle du jeu. Dès lors que la retraite concerne à la fois les entreprises et les salariés, il faut faire travailler ensemble tous les acteurs du système. Mais autant on peut rapprocher les points de vue sur les éléments de diagnostic ou d’évaluation, autant il y a moins de consensus sur la décision, en raison de l’état de la société française. Il ne faut pas pour autant se décourager et le COR peut jouer un rôle important, sinon dans la négociation – ce n’est pas son rôle –, du moins dans l’information de chacun et dans le rapprochement des analyses en présence
Risques : La réforme en Allemagne n’était pas consensuelle non plus.
Raphaël Hadas-Lebel : Il n’y a pas de COR en Allemagne à ma connaissance, même si le Sozialberat a quelque parenté avec lui. La réforme des retraites a été un long processus dont les principales étapes ont été 1992, 2001, 2004 et 2007, et qui ont fait intervenir des gouvernements de droite comme de gauche. La réforme de 2007 n’a certes pas été consensuelle, mais elle émanait d’un gouvernement de coalition chrétien-démocrate et social-démocrate.
Risques : Les exemples étrangers tels que la Suède inspirent-ils le COR dans sa manière de travailler ?
Raphaël Hadas-Lebel : Nous regardons toujours ce qui se passe ailleurs. Nous avons notamment examiné les solutions qui ont été les plus récemment adoptées à l’étranger. S’il apparaît assez clairement que les mesures portant sur le report de l’âge de départ à la retraite sont quasi générales, on constate que certains pays s’y prennent à l’avance pour annoncer ces mesures. Ainsi, en Allemagne, il est prévu un relèvement de l’âge de départ à la retraite sans décote de 65 ans à 67 ans entre 2011 et 2029, par paliers d’un mois par an jusqu’à 66 ans, puis de deux mois par an entre 66 et 67ans.
Le dernier colloque que nous avons organisé en décembre dernier portait sur « Les régimes de retraite face à la crise » et examinait la situation dans les principaux pays industrialisés. Le précédent analysait en profondeur le système suédois. Nous suivons de près les travaux de l’OCDE, même si nous avons conscience que chaque pays a un système de retraite très dépendant des particularismes de son histoire sociale.
Risques : Pourquoi les Français, qui ne sont pas plus paresseux que les autres, ont-ils vraiment envie de se retirer avant les autres du travail ? Qu’en est-il de cette espèce de discours selon lequel les gens ne vivent pas leur travail comme étant valorisant ?
Raphaël Hadas-Lebel : e ne connais pas d’étude exhaustive sur ce sujet, même si certains travaux ont été analysés au sein du COR concernant les raisons qui conduisent les salariés à demander leur départ à la retraite dès 60 ans. Il existe incontestablement une insatisfaction vis-à-vis du travail. La particularité de la France, c’est que les gens y ont une carrière plus courte que dans d’autres pays, c’est-à-dire qu’ils commencent à travailler plus tard et quittent le marché du travail plus tôt ; mais il semble que, pendant cette période plus courte, ils aient le sentiment d’être soumis à un stress plus important, qui s’accompagne par ailleurs de taux de productivité assez élevés. Il n’est pas satisfaisant que le temps de l’activité se limite à la période de 30 à 55 ans. Il faut en outre distinguer les métiers comportant des tâches difficiles et répétitives, dans lesquels les travailleurs n’éprouvent guère de satisfaction, des professions plus gratifiantes que les intéressés souhaiteraient pratiquer au-delà de l’âge de la retraite. Peut-être y a-t-il enfin en France une valorisation du loisir, de l’otium latin dont on aime pouvoir profiter dans le beau pays qui est le nôtre.
Risques : Le COR tente-t-il de comprendre les spécificités de la société française ? Notre système économique est-il trop hiérarchisé, et vécu comme étant coercitif ?
Raphaël Hadas-Lebel : C’est là une autre explication que l’on peut avancer. L’insatisfaction au travail s’explique aussi par des modes de management peu participatifs. Mais je ne suis pas sûr que le mode de management aux États-Unis, où l’emploi est souvent instable et la pression est forte pour la réalisation des objectifs en termes de « bottom line », soit moins générateur de stress.
Risques : En quoi, à travers l’histoire des retraites, se retrouve-t-on au cœur de ce que notre médiateur nomme à juste titre « dépression à la française », se référant à une société qui se regarde en éprouvant un malaise ?
Raphaël Hadas-Lebel : n’invoquons pas trop la dépression il y a d’abord un problème entre les générations. En France, un consensus national porte sur un système par répartition qui est un pacte intergénérationnel, impliquant un rapport de confiance entre les générations. Ce rapport s’est sans doute dégradé. Quand on interroge les jeunes générations, elles se demandent parfois si elles ne « travaillent pas pour le roi de Prusse », obligées qu’elles sont de cotiser pour les actuels retraités, sans avoir la certitude de bénéficier elles-mêmes, le moment venu, d’une pension de même niveau. Certains estiment même que la génération qui part actuellement en retraite étant une génération qui a bénéficié de conditions de vie favorables, il serait équitable de la faire contribuer davantage au redressement du système de retraite.
Au-delà du rapport entre générations se pose la question de la place des personnes âgées dans la société. C’est un phénomène nouveau dont on n’a pas encore tiré toutes les conséquences sur le plan du travail, de la vie sociale, de la santé ou de la dépendance. Mais la question des retraites pose encore d’autres questions dont l’enjeu philosophique n’est pas négligeable. Par exemple, quelle est, dans notre société, la part respective qu’on doit faire à la responsabilité individuelle et à la solidarité ?
Certains demandent pourquoi ne pas supprimer les bornes d’âge et ne pas laisser les gens choisir le moment de leur départ à la retraite. Pourquoi pas en effet ? Mais un tel système laisse la décision aux seuls particuliers, y compris une décision qui peut être contraire à leurs intérêts. C’est là que la collectivité intervient en fixant des bornes. De même, quelle part faut-il laisser aux cotisations personnelles et quelle part destiner à la solidarité, pour financer par exemple les périodes de chômage ou les aides aux familles nombreuses ? Le débat sur la contributivité et la solidarité, central en matière de retraite, implique des choix sociaux, voire politiques.
Il est donc vrai que le système de retraite est révélateur du fonctionnement d’une société. De cet ensemble de données résultent quelques grandes questions pour notre système de retraite. Comment équilibrer le système de retraite dans le contexte démographique qui est le nôtre, en faisant le meilleur usage des leviers d’action qui sont bien connus ? Comment assurer un minimum d’égalité de traitement, à la fois entre les générations et entre les membres d’une même génération ?
C’est à cette double aune de l’efficacité et de la justice que s’apprécient, sur le long terme, la qualité d’un système de retraite et son acceptation par les générations successives auxquelles il est destiné.
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