Risques N°106
Jean-Hervé Lorenzi, Éditorial
1. Société France, sortir des impasses
Entretien avec
Marcel Gauchet, Philosophe et historien
2. Risques et solutions Assurer la culture ?
Pierre-Charles Pradier, Introduction
Valérie Vesque-Jeancard, Les risques liés aux grandes expositions d’art 
Les institutions culturelles publiques de la sphère muséale sont devenues en l’espace de deux décennies de véritables entreprises. Sommées de dégager toujours plus de ressources propres du fait de la raréfaction des ressources budgétaires qui leur sont allouées, elles ont développé des activités de nature commerciale et accru leur présence à l’international. Parmi leurs activités principales figure l’organisation de grandes expositions d’art. Risque opérationnel, risque économique : comment gérer au mieux les incertitudes attachées à cette activité, qui se trouve au cœur de leur mission de diffusion culturelle ?
Bertrand de Feydeau, Les assureurs, précurseurs dans le mécénat 
À la fin des années 1970, les pouvoirs publics se sont émus de voir des documents de qualité historique exceptionnelle quitter le territoire national. Il n’y avait à ce moment-là aucun dispositif fiscal d’incitation au mécénat, la tradition dominante en France restant celle des subventions d’État. L’initiative, prise alors par les pouvoirs publics de susciter la création de la Société des manuscrits des assureurs français (Smaf), avait pour objet de réunir des moyens financiers substantiels pour pouvoir se porter acquéreur, sans délai, de pièces constitutives de l’histoire et de la tradition culturelle et intellectuelle française. Cette initiative a présenté alors une double originalité.
Jean-Christophe Perrin, L’assurance et la culture 
L’assurance de l’art est une spécialité traitée chez Aon au sein du département Clientèle privée, qui propose des solutions pour les particuliers, les entreprises et les fondations, ainsi que pour les professionnels de l’art et les musées. Nous aborderons ici plus précisément le marché de l’assurance de l’art et du patrimoine au service des particuliers et des entreprises. Ces collectionneurs et ces détenteurs de patrimoine hors du commun ont des besoins en matière d’assurance qui bien souvent dépassent les couvertures des contrats proposés habituellement.
François Vienne, La gestion des risques au festival d’Aix 
Comme toute entreprise, le festival d’Aix est confronté à une série de risques liés à des facteurs humains, financiers ou naturels. L’objet de cet article est de présenter la nature de ces risques et la manière dont le festival tente de les prévenir. Cinq risques ont été identifiés : le risque intrinsèque lié au processus de création, le risque financier lié à la programmation à long terme des opéras, le risque lié aux intempéries, le risque lié à des problèmes de santé des artistes et le risque de grève.
Irène Barnouin et Olivier Porte, L’assurance des grandes expositions culturelles 
Les grandes expositions culturelles doivent séduire un public large à travers le caractère exceptionnel des œuvres mises en scène, leur intérêt scientifique et leur attractivité culturelle et sociétale. La réussite de ces événements culturels majeurs n’est jamais certaine, reposant sur des équilibres financiers fragiles. L’assurance est un enjeu majeur de la faisabilité de ces moments éphémères par la garantie apportée dans le cadre des prêts des œuvres exposées. De par sa spécificité, sa faible sinistralité et son attrait iconique, ce marché d’assurance de niche est de plus en plus convoité par les assureurs, prêts à engager d’énormes capacités pour assurer une exposition « Blockbuster ». Pour les acteurs d’assurance, la rentabilité est possible, l’ouverture à l’international primordiale, la créativité des produits captivante.
François-Xavier Albouy, Trois assureurs, génies de la littérature mondiale au XXe siècle 
Il y a (au moins) trois génies absolus de la littérature du XXe siècle qui ont été des assureurs, l’un était européen, le deuxième américain et le troisième africain. Ils n’ont pas été des assureurs parce qu’il fallait bien vivre et des écrivains pour le supplément d’âme, c’est plutôt le contraire. La vie les a faits écrivains et leur génie politique ou citoyen s’est exprimé dans l’assurance. Il s’agit de Franz Kafka, d’Ahmadou Kourouma et de Wallace Stevens.
Jérôme Kullmann, La valeur d’une œuvre, entre principe indemnitaire et valeur agréée 
Le sinistre survient, et l’œuvre d’art est endommagée. Fort heureusement, une assurance avait été prise, qui couvre effectivement l’événement survenu. Il faut tout d’abord procéder à l’évaluation du dommage – habituellement au moyen d’une expertise – et ensuite comparer le montant ainsi établi à celui de la garantie octroyée par l’assureur (plafond et franchise). Afin de s’affranchir de cette première étape, et passer directement à la seconde, la pratique a imaginé le procédé de la valeur agréée : c’est lors de la conclusion du contrat d’assurance que l’assureur et l’assuré s’accordent sur la valeur du bien, et le dernier pense qu’en cas de sinistre, telle sera la somme qui lui sera automatiquement versée. Las ! La liberté contractuelle ne saurait contrarier une règle impérative, et l’expérience montre que la clause de valeur agréée peut ne pas faire bon ménage avec le principe indemnitaire, universellement reconnu par le législateur, et affirmé, en France, par l’article L. 121-1 du Code des assurances.
3. Analyses et défis Gérer la multiplicité des risques pays
Gilles Bénéplanc, Introduction
Stéphane Colliac, Le risque pays, un outil central dans une approche des risques 
Le risque pays se rapporte à l’identification du risque de survenance d’une crise dans un pays et aux conséquences sur la rentabilité des projets de ceux qui y ont investi. En cela, c’est une discipline qui se doit de remettre en cause les conventions communément admises, c’est-à-dire d’alerter lorsqu’un risque existe alors même que personne ne l’anticipe véritablement. Puisque « les crises reviennent toujours », comme l’écrivait Paul Krugman [1999], il importe d’anticiper ce risque là où il pourrait se matérialiser. Cette récurrence des crises tient en partie à l’interconnexion entre cycle de croissance et cycle financier. Lorsque le premier se prolonge, les prix augmentent, ce qui incite l’offre à s’accroître. Le cycle financier accompagne alors le cycle de croissance et la dette augmente. La demande s’étiole et la profitabilité des entreprises en pâtit. Le risque d’un retournement brutal s’accroît alors, et porte le risque d’une augmentation des défaillances d’entreprises.
Olivier de Boysson, Les nouveaux visages des risques pays 
Avec le développement des marchés financiers et des mouvements de capitaux, les risques pays sont devenus multiformes et concernent désormais aussi bien les pays développés que les pays émergents ou pauvres. Il subsiste une architecture commune des crises pays qui résulte d’un niveau d’endettement insoutenable ou instable. Le retour des risques géopolitiques conduit par ailleurs à scruter la mutation de la globalisation qui se profile.
William De Vijlder et François Faure, Le retour du risque pays 
Le risque pays dans les pays émergents suit à l’évidence une cyclicité. Ces derniers sont confrontés, d’une part, au retournement des prix des matières premières et, d’autre part, à la fin de la phase d’assouplissement du cycle monétaire dans les pays développés. Le risque politique et social se confond pour l’instant avec le cycle des prix des matières premières et devrait se limiter aux économies qui en dépendent fortement. Le spectre du cycle du risque de crédit est plus large, conséquence de l’intégration financière des pays émergents, de l’augmentation de la dette privée et d’un ralentissement de la croissance potentielle.
François Meunier, Un regard sur l’assurance crédit 
La couverture du risque politique fait partie du métier de l’assureur crédit, qui a vocation à gérer les risques financiers liés au commerce interentreprises et aux délais de paiement. Cet article prend une focale plus large et regarde les enjeux industriels nouveaux de l’industrie de l’assurance crédit. Cela nécessite de s’interroger en premier sur la fonction économique des délais de paiement et sur les risques qu’ils font apparaître. C’est sur cette base que le métier d’assurance crédit s’est construit, et c’est ce qui le contraint aujourd'hui à fortement évoluer.
Jean-Louis Laforge, L’investisseur institutionnel face au risque pays 
Pour l’investisseur, le risque est une opportunité dès lors qu’il a les moyens de l’identifier, de le mesurer et d’obtenir en contrepartie un rendement compensatoire suffisant. La grande crise financière (Global Financial Crisis, GFC) et ses suites ont rappelé avec force qu’une dette souveraine, même émise par des pays développés, n’est pas un actif sans risque. Nous présentons ici la nature particulière du risque pays, les types d’exposition possibles à ce risque, les modalités d’analyse et de couverture. Nous décrivons les perspectives passées, présentes et futures d’un investisseur institutionnel, et montrons en quoi le risque pays est incontournable dans ses portefeuilles.
Xavier Guizot, Carrefour et le risque pays 
Compte tenu de son activité, la grande distribution est particulièrement exposée aux risques, notamment par l’ampleur et la diversité de ses flux, le nombre élevé de sites très dispersés, la visibilité des enseignes et la multiplicité des parties prenantes (fournisseurs, clients…) avec lesquelles elle est en relation. Dans un marché très concurrentiel et mondialisé, où la compétitivité est mise à l'épreuve tant par les concurrents internationaux que par l'émergence de puissants acteurs locaux dans les principaux pays de croissance, le plus grand risque pour une entreprise comme Carrefour serait de ne pas en prendre. L’approche de gestion des risques doit ainsi être globale, par la mise en œuvre de mesures adaptées et en accompagnement des prises de décision. Cela nécessite notamment une connaissance approfondie et une bonne compréhension des environnements et des parties prenantes, faisant de l’appréciation des risques pays, dans une vision élargie, un élément déterminant de performance pour l’entreprise.
Yann Le Pallec, L’impact du risque pays sur la notation des entreprises 
Le risque pays, tel que nous le définissons dans la méthodologie de S&P Global Ratings, donne la mesure des incertitudes auxquelles une entreprise est exposée dès lors qu’elle opère dans un ou plusieurs pays. Il se distingue du risque souverain, qui traduit le risque de crédit propre à l’État. Il constitue l’une des composantes du profil de risque opérationnel de l’entreprise. Or, la notation des entreprises connaît aujourd’hui un fort développement en dehors de l’OCDE, et une entreprise sur cinq notées par S&P Global Ratings dans le monde est exposée à un risque pays élevé, susceptible d’affecter à la baisse sa notation. Dans ce contexte, il est important pour les investisseurs d’appréhender correctement l’impact du risque pays sur la notation.
4. Etudes et débats
Pierre Martin, Le risque de croissance économique atone 
« Stagnation séculaire ». En novembre 2013, l’économiste américain Larry Summers reprenait les mots utilisés en 1938 par Alvin Hansen, qui estimait que le ralentissement de la croissance économique était inévitable… Peut-on, à l’aune de l’histoire et de la théorie économiques, envisager un accroissement durable de la production pour échapper au risque de croissance zéro ?
Arthur Charpentier, Fibonacci, les lapins, le nombre d'or et les calculs actuariels 
Léonard de Pise, souvent plus connu sous le nom de Fibonacci, a laissé sa trace dans les livres de mathématiques pour avoir étudié, ou plutôt modélisé, la reproduction des lapins. De la dynamique du nombre de lapins est né le nombre d’or, le fameux ratio magique que l’on retrouve dans la peinture et l’architecture classiques. Mais sa contribution la plus importante est probablement le Liber abaci, daté de 1202, dans lequel Fibonacci a introduit explicitement le principe d’actualisation financière en Europe. Fibonacci a grandi dans la colonie pisane de Bougie, en Algérie, où son père était officier des douanes. Et c’est probablement grâce à la culture arabe que les premiers calculs actuariels ont été formalisés.
François Muraire et Olivier Muraire, Blockchain, « Smart Contracts » et assurance, l’émergence d’un nouveau monde 
En novembre 2008, au cœur de la crise financière, naît le bitcoin avec son mécanisme corollaire, la blockchain, délivrant une assertion : la technologie permet des transactions sans recours à des tiers de confiance. Sept ans après, porté par l’intérêt des spécialistes, il sort de la zone grise des procédés à la limite de la légalité et il pénètre les milieux financiers. Comment fonctionne ce processus ? Est-il disruptif pour les institutions établies ou présente-t-il des limites ? Comment peut-il intégrer le monde de l’assurance, quelles en sont les problématiques, les freins et les opportunités ?
Pierre-Charles Pradier, La chaîne de blocs n’est pas la fin de l’histoire 
L’article de François et Olivier Muraire présente les nombreux avantages et les limites de la chaîne de blocs et des applications possibles à l’assurance. Comme les produits qui emploient les mêmes techniques ont déjà été utilisés à des fins frauduleuses, et étant donné que d’autres difficultés sont à prévoir, il convient de réfléchir dès maintenant aux problèmes qui vont se poser. On peut raisonner à partir d’exemples, en particulier les pseudo-monnaies, pour essayer de formuler des conditions nécessaires au fonctionnement durable des modèles économiques fondés sur une chaîne de blocs.
Anne Serra, Évolution des couvertures « environnement » 
La perspective de l’introduction du préjudice écologique dans le Code civil par l’adoption du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages est l’occasion de faire le point sur les risques environnementaux, les responsabilités qui leur sont rattachées et les couvertures assurancielles afférentes. Les risques environnementaux sont des risques catastrophiques dès lors qu’ils se caractérisent par une faible fréquence et une forte sévérité potentielle. Il en résulte une très grande difficulté à bien les estimer, difficulté amplifiée par l’existence de « risques de développement » (c’est-à-dire de risques qui, compte tenu de l’état des connaissances scientifiques et techniques, ne pourront être décelés que plus tard), l’évolution incessante des process industriels et l’apparition de risques nouveaux. Il en résulte aussi des besoins importants de capacités. Le partage de données et la mise en commun de capacités ont permis de répondre au mieux aux besoins des assurés et demeurent indispensables pour que l’assurance contribue à la protection de l’environnement.
Vincent Abadie, En route vers l’automatisation de la conduite 
La voiture automatisée, qui prendra en charge les tâches de conduite à la place du conducteur, est en cours de développement chez PSA. Les équipes en charge du projet y mettent toute leur énergie, et les prototypes sont déjà sur les routes.
Les débats de Risques
Françoise Benhamou, Frédéric Mériot, Denis Pryen, Le livre est mort, vive le livre 
Alors que l’industrie du livre numérique se développe et que le livre imprimable à la demande fait son apparition en France, Risques a organisé le 24 mars 2016 un débat sur l’économie du livre. Étaient réunis pour en évoquer les enjeux : Françoise Benhamou, économiste, professeur à l’université Paris XIII et membre de l’Arcep, Frédéric Mériot, directeur général des PUF (Presses universitaires de France) et Xavier Pryen, directeur de L’Harmattan. Le débat était animé par Arnaud Chneiweiss et Philippe Trainar, membres du Comité éditorial de Risques.
Actualité de la Fondation du risque
Philip Protter, Lutter contre le délit d’initié grâce à la modélisation 
Grâce à une information privée, un agent peut réaliser d’importants profits pour un minimum de risque. En permettant de mieux comprendre l’utilisation de cette information, la modélisation aide à lutter contre les délits d’initiés.
Jean-Hervé Lorenzi, AlainVillemeur et Hélène Xuan, France, le désarroi d'une jeunesse par Daniel Zajdenweber
Philippe Askenazy, Tous rentiers par Daniel Zajdenweber
Jean Tirole, Économie du bien commun par Carlos Pardo
Pascal Bruckner, La sagesse de l’argent par François-Xavier Albouy
Jean-Paul Betbèze, La guerre des mondialisations par Daniel Zajdenweber